Festival du film francophone d’Angoulême 2023 ─ Toni, en famille, Iris et les hommes, Anti-Squat

Toni, en famille ─ coup de cœur de Dominique Besnehard

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Ancienne star d’un télé-crochet musical, Toni a quitté le devant de la scène pour élever ses cinq enfants. Alors que les deux aîné(e)s s’apprêtent à quitter la maison pour entamer des études, elle s’interroge sur ses choix de vie…

Après Les Drapeaux de papier, le jeune cinéaste Nathan Ambrosioni revient avec à nouveau un film sur les difficultés de « faire famille ». Il suit cette fois une mère célibataire de cinq ados, de 11 à 19 ans, et nous plonge d’emblée dans leurs galères du quotidien avec une scène filmée dans la voiture familiale, qui devient un élément central de l’intrigue. Comment faire entrer une si grande famille dans un véhicule ? pourrait être une métaphore de la complexité de trouver une place pour chaque individu au sein d’une telle fratrie. Le personnage de Toni (Camille Cottin, surprenante par la palette qu’elle dévoile ici, dans un rôle encore inédit pour elle, celui d’une mère de famille nombreuse) se retrouve prise dans un quotidien fait de tâches ménagères, habilement montré par un montage rythmé, et se fait la réflexion qu’elle pense beaucoup à ses enfants comme groupe mais moins dans leurs singularités.

Et pourtant, une des réussites du film tient dans le fait de réserver à chacun(e) des jeunes comédien(ne)s des scènes qui les mettent en valeur et un arc narratif propre. Ces ados bien de leur temps rêvent de carrière artistique, de percer sur les réseaux, vivent leurs premières amours (LGBT+), tentent de devenir populaires à l’école. Et Léa Lopez de la Comédie-Française, Thomas Gioria (Jusqu’à la garde, Adoration), Louise Labèque (Zombi Child, Coma), Oscar Pauleau et Juliane Lepoureau (Les Vétos) sont tous et toutes attachant(e)s dans les défauts et qualités de leurs personnages, et fonctionnent très bien en tant que troupe. 

Au-delà de son rôle de mère quasi au foyer, le parcours de Toni évoque aussi le destin des starlettes propulsées très jeunes sous les feux des projecteurs et la difficulté pour la société d’accepter de voir des parents au foyer vouloir reprendre une vie professionnelle lorsque leurs enfants grandissent. Alliant humour et tendresse avec un bel équilibre, ce film familial devrait conquérir un large public car il ne manque pas de cœur. 

Iris et les hommes ─ compétition

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Iris, dentiste et maman comblée, s’ennuie dans son couple et n’a plus de rapports avec son mari. Une connaissance lui conseille d’installer DeeLove, une appli de rencontres pour personnes mariées…

Forcément, après le succès d’Antoinette dans les Cévennes, Caroline Vignal était attendue au tournant. Pour Iris et les hommes, elle retrouve sa grande amie Laure Calamy et lui offre un rôle truculent qui lui va comme un gant : celui d’une femme poussée par un retour de libido à tromper son mari, tout entier concentré sur son travail et leurs deux filles. 

On retrouve la verve présente dans Antoinette dans des dialogues cocasses et des situations de malaise fort bien rendues, qui suscitent de vrais rires et des exclamations dans les salles. C’est le Calamy show, avec même une séquence de comédie musicale en pleine banlieue parisienne, à la fois amusante mais un peu cheap techniquement. Le film accumule les trouvailles, comme le fait d’incruster les correspondants d’Iris dans son décor tandis qu’elle communique avec eux par messages, mais finalement, quelque chose ne prend jamais complètement.

Pourtant, le casting est bien choisi, et donne à Vincent Elbaz l’occasion d’un joli come-back, car finalement son personnage est peut-être celui qui tire le mieux son épingle du jeu : homme moderne absorbé par son job certes, mais respectueux des aléas des désirs de sa femme et père investi. Faut-il pour autant croire à l’homme idéal, ou n’y a-t-il pas des éléments qui peuvent laisser planer le doute sur sa sincérité ? L’ambiguïté demeure. 

Alors que côté féminin, on en manque malheureusement avec un personnage si radical qu’il en devient problématique (la scène de dîner où elle humilie sa fille aînée), se servant des autres pour satisfaire ses désirs sans craindre de blesser. Cette valorisation de l’adultère aurait pu avoir du sens si elle cherchait à explorer intellectuellement d’autres horizons (il est vaguement question de polyamour mais sans creuser le sujet) ou au moins pour proposer une expérience sensuelle ou sensorielle. Mais la résolution est si attendue qu’on se dit que tout le film ne tient sur rien qu’un défaut de communication. Et manque de clarté dans son propos et ses ambitions. Après la bouffée d’air frais que représentait Antoinette dans le paysage du cinéma français, on pouvait espérer bien mieux. 

Anti-Squat ─ avant-première

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Acculée financièrement, Inès, ancienne agent immobilier, postule chez Anti-Squat, une entreprise qui installe des résident(e)s dans des bâtiments vides pour empêcher l’irruption de squatteurs. Mais elle n’a pas le droit d’emmener son fils de 14 ans avec elle…

Après Corporate, Nicolas Silhol quitte l’univers des bureaux d’une grande entreprise pour s’intéresser à la question du mal-logement et de la précarité, en lien avec la loi sur la lutte contre les squatteurs. Il retrouve un décor très blanc, froid et vitré, des rapports professionnels impersonnels voire cruels, et un personnage féminin pris au piège d’un système qu’elle espère pouvoir utiliser à son compte. 

Intéressant de voir avec quelle cohérence le réalisateur poursuit cette œuvre sociale, avec une Louise Bourgoin de plus en plus engagée dans ses choix de rôles. Mère célibataire comme elle l’a déjà été dans Un beau dimanche ou Tirez la langue, mademoiselle, elle se retrouve dans une situation de dilemme moral intéressante, et qui paraît se répéter à chaque niveau hiérarchique, son responsable (Antoine Gouy, très bon en laquais du système) lui reprochant ce qu’elle-même reproche aux personnes qu’elle encadre. 

Moins tendu que sa bande-annonce ne le laissait paraître, malgré quelques scènes plus stressantes, le film est moins un thriller qu’une réflexion sur la construction d’une société de défiance et de petits pouvoirs jalousement gardés, où chacun(e) tente de tirer son épingle du jeu. Le plus singulier et ce qu’on retient du film, c’est peut-être en définitive le parcours d’Adam, le fils d’Inès (Samy Belkessa), qui vit en étant confronté au travail de sa mère et à la colère sociale des jeunes (on est au moment de la réforme du lycée) un éveil politique touchant. 

2 commentaires sur “Festival du film francophone d’Angoulême 2023 ─ Toni, en famille, Iris et les hommes, Anti-Squat

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  1. J’ai vu Toni en famille et j’ai trouvé, comme toi, que la réussite du film tenait dans le fait d’avoir créé 5 vraies personnalités pour les ados/jeunes adultes et de faire aussi briller leurs relations en tant que famille et individus. Les scènes dans la voiture (la 1ère, celle où ils chantent sur le tube de leur mère) sont emblématiques du film.

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