Paul passe ses journées d’été dans la forêt avec les oiseaux pendant que sa mère travaille dans une clinique psychiatrique isolée. Paul repère Gloria, une jeune patiente récemment arrivée, et la rencontre lorsqu’elle tente de s’échapper. Il est fasciné…
Movie Challenge 2020 : un film avec un titre en un mot
J’ai commencé à entendre parler de ce film il y a plusieurs mois, et malgré les retours, l’affiche et le résumé, il restait très mystérieux à mes yeux. J’ai d’abord craint qu’il ne flirte avec l’horreur et qu’il soit trop effrayant pour moi, mais la curiosité l’a finalement emporté.
Et heureusement, parce que le film est beaucoup plus doux que ce que j’en avais perçu. Attention, je ne nie pas les scènes violentes qui pourront choquer les âmes sensibles mais moi qui suis du genre petite nature, j’ai trouvé l’ensemble non seulement très supportable de ce point de vue, mais même très beau et pur.
Dès les premiers plans, sur Paul dans les arbres soignant un oiseau blessé, on se laisse emporter par la tendresse bucolique du film, ce côté « la nature est là qui t’invite et qui t’aime », cette forêt nourricière et protectrice et cette rivière qui lave et baptise. Le rapport à la nature est quasi mystique (et le devient réellement avec le personnage de Benoît Poelvoorde, qui évoque la réincarnation en animal). Cette forêt qui sert de cocon à un couple en formation m’a forcément fait penser au film de Thomas Cailley, Les Combattants, et les deux ont en commun qu’un homme au cœur simple tente de protéger une jeune femme de ses penchants dangereux.
Ce n’est pas la seule référence qui m’a traversé l’esprit, car à vrai dire le voyage de Paul et Gloria m’a évoqué tout un imaginaire à la fois cinématographique et littéraire. Le film est à mes yeux une sorte de synthèse mystérieuse qui rassemble des échos disparates. La clinique perdue dans les bois a des allures de décor de film d’horreur mais aussi du Grand Budapest Hôtel, avec sa coloration rose. Les débuts de la relation entre Paul et Gloria m’ont rappelé La Gloire de mon père et la fascination du narrateur pour la tyrannique Isabelle, et cette relation entre deux adolescents à peine sortis de l’enfance, dans un monde retiré, coupé de la vie moderne, m’a aussi et surtout fait penser au magnifique Ma Reine de Jean-Baptiste Andrea. Tout cela s’unifie sous la caméra de Fabrice du Welz, une image au grain argentique, qui accompagne les personnages de près, adopte parfois leur point de vue, mais apparaît le plus souvent comme le regard du spectateur, tendu, troublé, ému, parfois légèrement tremblant. Cette proximité avec les personnages et cette apparente fragilité offrent des cadrages étonnants, des plans sublimes et d’autres presque brouillons, dans un ensemble très vivant et bien adapté à son sujet, ces adolescents rongés par un bouillonnant mélange de pulsions vitales et mortifères.
Éros et Thanatos, les amants maudits, la jeune fille « hystérique » aux airs de femme fatale, tout cela est vieux comme le monde mais s’offre une nouvelle jeunesse sous les traits encore empâtés d’enfance de Thomas Gioria, pourtant déjà bien grandi depuis Jusqu’à la garde, et l’intensité folle de Fantine Harduin, nettement moins enfantine que dans Ennemi public. Le film apparaît comme un écrin pour ses deux talents en pleine ascension, une étape marquante dans leurs jeunes carrières qu’on pressent, après ces prestations remarquables dans des rôles subtils, fort longues et denses.