
Petite journée encore par le nombre de films (il se peut que je sois en train de préparer le prochain festival…) mais grande par les attentes !
Antoinette dans les Cévennes – en compétition
Antoinette vit une histoire avec Vladimir, le père d’une de ses petites élèves. Lorsqu’il lui apprend qu’il part en vacances avec femme et enfant dans les Cévennes, Antoinette s’incruste dans la randonnée avec un âne prénommé Patrick…
On partait clairement sur une de mes plus grandes attentes de ce festival avec ce film, dont je suis depuis un an l’évolution, impatiente de découvrir à l’écran le résultat de ce cocktail aussi improbable qu’alléchant : Laure Calamy, un âne, Benjamin Lavernhe, Stevenson et les Cévennes. Les premiers retours enthousiastes n’ont fait qu’aiguiser mon appétit, de même que la bande-annonce.
Dès l’ouverture, le film tient essentiellement sur les épaules de l’actrice, qui trouve ici son premier rôle comme vraie tête d’affiche. Antoinette est une femme maladroite, poissarde, primesautière, cœur d’artichaut, qui a le chic pour « tomber amoureuse du pire mec au pire moment au pire endroit ». Sa sensibilité exacerbée me l’a rendue extrêmement attachante, et Laure Calamy lui apporte tout son talent et sa capacité à faire rire tout en compatissant avec le personnage. Elle donne le ton et le rythme du film, tout en rebonds et fantaisie, aux péripéties égrenées au fil de la musique sautillante de Matei Bratesco. Sur la situation très classique d’une liaison avec un homme marié, le scénario s’embarque dans l’idée saugrenue mais si absolument cinématographique qu’on se demande pourquoi personne n’y avait pensé avant, d’une randonnée avec un âne, sur le chemin parcouru par Stevenson (lui aussi venu là pour une affaire de cœur) dans les Cévennes en son temps. Le bien-aimé d’Antoinette, c’est Vladimir, un type pas franchement courageux qui ne veut pas compromettre son mariage avec Éléonore (Olivia Côte). Finalement, on voit assez peu le couple, et l’homme est surtout présent dans les pensées de sa maîtresse, qui raconte à l’âne Patrick son histoire d’amour compliquée pour le faire avancer.
La vraie star du film, qui volerait la vedette aux humains si le casting n’était pas si exceptionnel, c’est lui, l’âne Patrick (ils sont deux en réalité pour l’incarner), qui fait tourner en bourrique sa compagne de voyage pour finalement se révéler un soutien inattendu. Le tandem entre l’instit citadine et son équidé est aussi désopilant que tendre, et s’épanouit dans le cadre magnifique des Cévennes, une nature de carte postale qui donne envie de repartir en vacances, malgré les galères de voyage qui constituent autant de gags. Caroline Vignal a réussi à emporter l’adhésion avec ce film cocasse et attachant, sur lequel on mise une pièce pour remporter un prix !
« Médecin de nuit » – sélection Les Flamboyants
Mikaël entame une nuit de travail sous de mauvais auspices : sa femme s’est fâchée contre lui et son cousin pharmacien refuse qu’il arrête leur trafic de fausses ordonnances…
J’avais fait une place à ce film dans mon programme parce que son titre était une promesse à mes yeux. J’aime particulièrement découvrir une profession au cinéma et j’ai tendance à aller voir tous les films qui annoncent cela (Médecin de campagne, Les traducteurs, Les vétos…). La médecine fait partie des secteurs professionnels qui m’intéressent en priorité, sans doute parce qu’elle a surtout été mise en avant dans les excellents films de Thomas Lilti (mais aussi dans L’ordre des médecins ou Voir le jour récemment). Ce Médecin de nuit m’évoquait la promesse d’une galerie de consultations à domicile, quelque part entre Tirez la langue, mademoiselle et La fille inconnue. Et en effet, au fil de la nuit qui constitue l’unité temporelle du film, on assiste à plusieurs consultations, essentiellement avec des personnes victimes d’angoisses que la présence du médecin rassure. J’ai apprécié ces scènes, en particulier celle chez la patiente qui se met au piano. Mais ce n’est pas le cœur du film d’Élie Wajeman, qui de son passage par Le bureau des légendes semble avoir conservé un goût pour la tension et le sentiment de danger. Le métier de Mikaël est presque un prétexte qui sert à placer le protagoniste au cœur d’un film noir où la menace semble se rapprocher d’heure en heure. Dans ce Paris nocturne bleuté, qui est bien plus celui des SDF drogués que de la Tour Eiffel illuminée, les certitudes de la vie familiale vacillent, et le père de famille banal se transforme en gangster, avec tous les à-côtés du rôle (y compris la liaison avec la sulfureuse Sophia – Sara Giraudeau qui fait figure d’apparition irréelle). On n’aurait clairement pas imaginé Vincent Macaigne dans ce rôle, lui si habitué au type bonne pâte, bafouillant et batifolant dans des univers décalés. Mais c’est une bonne surprise de le découvrir si crédible qu’on en oublierait qu’il s’agit de lui lorsqu’il colle une beigne à un trafiquant.
Même si la fin ne résiste pas à un symbolisme pas forcément du meilleur goût, ce film noir de bonne tenue exploite assez bien son contexte médical et interroge sur les conflits de loyautés entre famille, travail, désirs et idéaux.
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