« Voir le jour » : naître ensemble

voir-le-jour-affiche-filmLa maternité où Jeanne exerce comme auxiliaire puéricultrice est secouée par la mort d’un bébé à la naissance. Au même moment, une connaissance réapparaît dans sa vie pour réveiller son passé enfoui…

Je n’ai pas lu Chambre 2 (ni aucun des livres de Julie Bonnie d’ailleurs), et je ne suis pas certaine que le sujet m’aurait particulièrement attirée pour un roman. En revanche, au cinéma j’aime généralement les œuvres qui se déroulent dans l’univers hospitalier (comme Hippocrate ou L’ordre des médecins), et je me réjouis de voir de nouveaux/elles cinéastes s’emparer du sujet. C’est ici le cas de Marion Laine, qui retrouve sa comédienne fétiche Sandrine Bonnaire dans le rôle principal.

Jeanne, c’est d’abord une auxiliaire puéricultrice que l’on voit exercer son métier avec passion et tendresse, entourée des patientes et d’une équipe de collègues exclusivement féminine (on ne peut pas dire que le médecin fasse vraiment partie de l’équipe, envers laquelle il se comporte plutôt comme un donneur d’ordres et de leçons). Ces femmes, que leur métier autour de la naissance rassemble, sont très diverses dans leurs parcours et leurs personnalités, ce qui compose une galerie de portraits haute en couleur et réaliste, allant, en termes d’âge, de la doyenne (Brigitte Rouän) à la jeune stagiaire (Kenza Fortas). Toutes deux ont tout de même en commun une certaine vision du métier à l’intuition, où l’on apprend par imprégnation patiente plus que grâce à la théorie. C’est certes une vocation que d’aider à donner la vie, ce que l’on perçoit à travers des plans très doux, loin de l’habituel froideur des éclairages hospitaliers. Les scènes avec les bébés sont adorables, mais pas toujours dénuées de tension. En effet, le cas tragique de l’enfant mort-né permet de pointer que le service de maternité est aussi le lieu de l’épuisement, du sous-effectif, des dissensions. C’est l’aspect plus social du film, qui réussit habilement à créer un équilibre entre les questions collectives et les trajectoires individuelles.

Parmi celles-ci, on suit avant tout celle de Jeanne, dont on découvre peu à peu le passé à travers le surgissement d’Abel, un ancien compagnon de route. Jeanne est un personnage féminin riche et complexe, incarné avec intensité par Sandrine Bonnaire, qui retrouve ici quelque chose d’un peu rock qu’on ne lui avait plus vu depuis longtemps. Les souvenirs remontent à la surface à l’heure où sa propre fille (Lucie Fagedet, toujours pleine de fraîcheur) s’apprête à faire le grand plongeon vers une vie loin de la maison. Ils prennent la forme de flashbacks subtils, où Jeanne se revoit jeune (Elsa Madeleine) mais dans lesquels pénètre celle qu’elle est aujourd’hui comme pour déjouer le cours des choses et réparer les affronts subis.

La réalisatrice a voulu des personnages féminins aux choix de vie différents dont aucun n’est présenté comme supérieur, aux parcours d’individus à part entière et jamais de « compagne de ». On a rarement vu un film accordant si peu de place à la romance dans la vie de tout un groupe féminin, et c’est très agréable de considérer ces personnages comme des collègues, des amies, des professionnelles, des êtres humains tout simplement, sans se soucier forcément de leur vie sentimentale et sexuelle dont le sujet est à peine effleuré. Ce qui marque, c’est l’élan vital de Jeanne et la sororité du groupe, qui résonne dans les solidarités quotidiennes autant que dans le morceau qu’elles entonnent en chœur. Trouver sa place entourée de celles qui vous soutiennent et vous acceptent telle que vous êtes, c’est une autre jolie façon d’advenir au monde, une nouvelle forme de naissance.

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