« Lundi mon amour » : fly me to the moon

couverture-livre-lundi-mon-amourHarry prépare ses bagages pour un voyage sur la Lune. Mais au lieu de lui vendre un billet, l’agence de voyage l’expédie chez les hommes en blanc. Qu’à cela ne tienne, Harry entame la construction d’une fusée…

J’étais impatiente de découvrir le nouveau roman de Guillaume Siaudeau, qui nous avait gratifié l’an dernier d’une parenthèse poétique (Inauguration de l’ennui) après le très fort et très actuel Pas trop saignant. L’auteur clermontois est vraiment une de mes plumes préférées de l’école Alma depuis Tartes aux pommes et fin du monde, pour ses ambiances décalées et ses personnages de doux dingues.

Ce nouveau livre n’échappe pas à la règle, on y retrouve justement les ingrédients qu’on a pu apprécier dans ses romans précédents. Le narrateur, Harry, s’inscrit dans la lignée des jeunes hommes paumés qui tentent de faire coïncider leurs rêves et leurs émotions à fleur de peau avec la réalité d’un monde bassement terre-à-terre. Sauf qu’Harry est un peu plus que rêveur et ne semble pas distinguer ce qui est ou non possible. C’est assez fascinant comme expérience de lecture de se retrouver plonger dans ses pensées et d’apprendre peu à peu à décoder sa logique interne, qui n’est clairement pas celle de tout le monde. Harry a quelque chose de très doux, inoffensif, enfantin dans sa façon de voir le monde. Il cherche des explications à toute chose, et généralement celle qu’il trouve nous paraîtra totalement improbable, mais pas dénuée de sens ! L’auteur déploie une imagination alerte pour créer l’univers mental de ce personnage qui tend à l’universalité, comparant le particulier au général (cette dinde parmi toutes les dindes, ce directeur parmi tous les directeurs) et extrapolant ce qui se passe ailleurs sur la planète voire sur la lune (la théorie du chauffage et celle de la lune qui décroît sont parmi les passages les plus adorables). Si l’on fond face à la tendresse d’Harry, à sa bienveillance qui s’exprime par des messages positifs assez en vogue (croire en ses rêves en particulier), la lecture n’est pas dépourvue d’un certain second degré beaucoup moins léger.

Le personnage d’Harry m’a rappelé celui de Je suis très sensible, le roman grâce auquel j’ai découvert la plume d’Isabelle Minière. De quoi me laisser m’interroger sur la fin du récit et sur les possibles réactions d’Harry en cas de déconvenue. Et puis sur le fond, difficile de ne pas éprouver de tristesse pour cet homme qui, sous les dehors d’une expérience décalée, vit tout de même une hospitalisation forcée en HP. Là où le livre est fort, c’est qu’il finit par nous faire douter : avons-nous raisons de prendre en pitié cet homme que nous considérons malade ? Et s’il avait raison de croire à ses rêves en dépit de tout ? Si être « dans la lune » constituait un état à envier plus qu’à plaindre ? « Heureux les simples d’esprit, car le royaume des cieux est à eux. » Si cette phrase biblique proverbiale dit vrai, alors Harry n’est sans doute pas si loin de son objectif lune.

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