« Frero Delavega » c’est un album éponyme en guise de carte de visite. S’y présente un duo masculin dont l’amitié est née de la rencontre musicale, et qui évoque avec sincérité leur amour pour leur région, la nature et bien sûr la musique…
J’avais promis après le concert de France bleu que je reparlerais des Frero Delavega. D’abord, parce que cela fait déjà plusieurs mois que leurs chansons tournent en boucle chez moi. Ensuite, parce que j’attendais beaucoup de leur concert, et que j’ai reçu plus encore.
Mais avant d’évoquer la scène, il faut parler de ce premier album qui cartonne (disque de platine en un mois). Le single « Sweet darling » a fait partie des tubes de cet été, et révélé au grand public le duo originaire du bassin d’Arcachon, passé par The Voice. Premier constat à l’écoute du disque : un travail de production impeccable qui met en valeur les voix de ses deux interprètes et les harmonies qui font leur signature. Des voix a cappella au début du premier titre, la reprise d’ « Il y a » (écrite par Gaëtan Roussel pour Vanessa Paradis), il fallait oser. Ensuite, des morceaux ensoleillés et rythmés, aux refrains qui restent en tête, des mélodies limpides à la guitare, agrémentées de cordes et de synthés cristallins, formant un écrin aux timbres des voix. Comme les acrobates qui sourient même en plein effort, la musique des Frero semble née de trois accords et enregistrée au hasard d’une prise heureuse. Mais l’aisance et le naturel des deux chanteurs ne doivent pas faire oublier que la simplicité s’accompagne de travail.
Un travail sur les harmonies et les arrangements, mais aussi sur les textes, en français, ce qui est tout à leur honneur. Flo et Jérémy ont eu la bonne idée de s’entourer de plumes averties pour certains titres et ces collaborations donnent lieu à mon avis aux meilleures chansons de l’album : « Le Chant des sirènes » (écrit avec Barcella), évocation nostalgique et douce d’une enfance bercée par la nature, « Même si c’est très loin » (avec Ben Mazué), au message d’optimisme et de persévérance bienvenu en cette époque troublée, le tendre « Tour de chance » (avec Peps), et l’enjouée « Sweet darling ». Au fil de l’album, on remarque que les textes s’affinent, laissant planer des double-sens comme avec « Sur la route », adressée à la musique, ou « Queenstone » (qui par son thème et ses jeux de mots me fait penser à du Tryo).
À noter également que les deux chanteurs, qui ont été repérés sur Youtube pour leurs reprises, en proposent six dans la version collector de leur album : des textes en anglais se mêlent ici au français et on peut constater que, quoi qu’ils chantent, Jérémy et Flo font ressortir la patte « Frero Delavega », ces intonations chaloupées et ces harmonies naturelles qui sont leur force.
Pour ceux qui ne seraient pas encore convaincus que le duo mérite d’être écouté attentivement, il me reste à vous inciter à aller les voir sur scène. Des Francofolies en juillet à Varades en ce début octobre, j’ai pu constater l’énorme progression des deux chanteurs dont les orchestrations se sont affutées. Certains titres prennent en live une dimension nouvelle, à l’instar des solos « Reviens » (absolument hypnotisant) et « De l’autre côté » (très émouvant), mais aussi de « Mon petit pays », alternant calme et énergie comme pour marquer à la fois le manque et la joie des retrouvailles avec leur région natale. Les transitions entre les chansons sont particulièrement soignées, et les musiciens inspirés (mention spéciale au synthé). Sur scène, Flo et Jérémy se donnent sans compter, font participer le public, jouent la carte de l’humour et celle de la complicité en faisant asseoir les spectateurs autour d’eux pour nous conter l’histoire de « Caroline ». Un moment de partage qui donne le sourire et laisse repartir avec la joie au cœur.
Bref, ce premier album doux et joyeux, sympathique et frais, à l’image de ses auteurs et interprètes, est une bonne entrée en matière et surtout la promesse d’une évolution à suivre.
3 questions à… Frero Delavega
Jérémy Frérot et Flo Delavega ont eu la gentillesse de me recevoir en coulisses avant leur concert à Varades le 4 octobre.
- Vos chansons sont nées sur scène avant d’apparaître sur l’album et ont beaucoup évolué : cela a-t-il été difficile de les retravailler, de changer les paroles et les orchestrations ?
Flo : Avant de faire l’album, la meilleure façon de faire vivre les chansons est de les jouer en live et de voir si on prend du plaisir et si le public aime. C’est la première étape. Pour le second album aussi, on va essayer de commencer par la scène pour se rendre compte plus vite de ce qui marche ou pas. Du coup ça a été facile ensuite pour l’album de se dire « ça on ne veut pas le faire » ou « ça on veut le faire ». En ce qui concerne les arrangements, ça a été plus compliqué. Avant, on faisait du guitare-voix et quand il a fallu instrumentaliser, produire les chansons, il y a eu des chansons difficiles, qui le sont toujours d’ailleurs.
Jérémy : Il y a eu quelques concessions à faire aussi, déplacer des refrains…
Flo : On a essayé d’aller à l’essentiel. Il y avait des bonnes bases et on a essayé de restructurer les chansons. Et sur la tournée, après l’album, on a refait encore des arrangements.
Jérémy : On fait ce qu’on veut maintenant !
Flo : Ce dont on a envie, c’est faire vivre chaque chanson au fur et à mesure de notre évolution.
Jérémy : Ça ne servirait à rien de refaire toujours la même chose.
- Et avez-vous une préférence entre ces différentes versions, live, acoustique, album ?
Flo : En fait ça dépend des moments.
Jérémy : Le live c’est plus énergique, plus dynamique.
Flo : Et puis on partage avec les gens, avec le public, avec nos musiciens, donc c’est totalement différent. C’est un plaisir différent.
- Concernant « Sweet darling », qui s’appelait autrefois « Canap’love », vous avez expliqué qu’elle raconte l’histoire d’un canapé, mais cela ne s’entend plus vraiment dans les paroles. Pourquoi avoir choisi de la transformer ?
Jérémy : Si on se dit que c’est un canapé, on comprend !
Flo : C’est ce qu’on aime faire, créer des double-sens, quelque chose de décalé, plusieurs chansons fonctionnent comme ça, « Sur la route » par exemple. Sur « Sweet darling », on a estimé qu’on pouvait faire mieux au niveau du texte, que ça pouvait être plus abouti. Et puis un artiste qu’on aimait beaucoup, Ben Mazué, souhaitait collaborer avec nous et a proposé d’autres mots, et on a gardé ses propositions.
- À propos de « Reviens » et « De l’autre côté » : était-ce prévu depuis le départ que chacun ait sa chanson pour se présenter ou est-ce que cela s’est décidé par la suite ?
Jérémy : Au début, il n’y en avait qu’une seule, « Reviens » et puis Flo a écrit « De l’autre côté » en deux jours, quand on enregistrait en studio, du coup on a décidé d’en faire une chacun et c’était très bien.
Flo : Sur scène c’est pareil, on se présente, on est deux entités différentes, et c’est super d’avoir chacun son moment à soi.
Jérémy : Ça se voit aussi dans quelques chansons comme « Le Chant des sirènes » où on a un couplet chacun.
Flo : C’est important de pouvoir respecter chacun son univers, son interprétation et après de se retrouver ensemble. Je pense que c’est aussi ce qui fait que les gens aiment le groupe, c’est qu’on a plusieurs facettes. Ce n’était pas prévu mais finalement on en est content et à l’avenir il se peut qu’on retrouve des chansons en solo comme ça. On ne se met pas de barrières : ce n’est pas parce qu’il n’y en a qu’un qui chante que ce n’est que lui, ça reste « Frero Delavega », même si l’interprétation est faite par Jérémy ou moi.
Je ne saurais assez remercier Flo et Jérémy pour leur accueil, leur disponibilité et leur gentillesse. Un grand merci également à Alex, qui m’a secondée dans cet entretien.