« Mayacumbra », le village dont on ne revient pas

couverture-livre-mayacumbraThéo a fui sa vie et la ville direction le bout du monde. Il a atterri à Mayacumbra, un village de renégats au pied d’un volcan. Près du cratère, il se construit une cabane, et adopte l’âne Ferdinand…

Un nouveau texte d’Alain Cadéo est toujours attendu chez moi comme un cadeau, encore plus lorsqu’il s’agit d’un roman, en raison de ma prédilection pour les histoires (cela dit, lisez quand même son magnifique recueil Des mots de contrebande). Des cadeaux, il y en a de toutes sortes. Ceux que l’on a commandés et qui correspondent à nos attentes, ceux que l’on n’osait pas espérer et qui nous ravissent, ceux dont on se demande pourquoi quelqu’un a choisi de nous les offrir, à nous, avant de percevoir que peut-être ils nous apportent quelque chose qu’on n’aurait pas soupçonné.

Mayacumbra serait plutôt pour moi de ceux-là. De la part de celui qui reste pour moi avant tout l’auteur de Zoé et de Chaque seconde est un murmure, je n’attendais clairement pas ce texte. Un pavé de plus de 400 pages qui nous emmène dans un ailleurs brumeux et glauque, un ailleurs de western, dont on ne sait pas trop s’il existe quelque part sur une carte. Pourtant, on retrouve dans Mayacumbra des thématiques en germe dans Comme un enfant qui joue tout seul : un homme qui plaque le quotidien occidental pour un autre mode de vie, une fuite qui sonne comme une rencontre avec soi-même, une galerie de personnages hauts en couleur.

Mais on a de quoi être dépaysé(e), avec ce décor crasseux, poisseux, ces personnages rejetés par la société, repris de justice, estropiés, à demi fous. Des marginaux qui refont société dans leur cuvette boueuse au pied du volcan, parmi lesquels se cachent deux cœurs purs, Théo le « petit clown » et Lita, fille de la forêt. Leur amour n’a rien de surprenant, mais il est contrarié par la vie locale et ses codes, et le mari dépressif de la belle.

On retrouve le talent d’Alain Cadéo pour les descriptions poétiques et les divagations sur l’existence, qui peuplent ici les cahiers de son ermite. Mais j’ai été plus étonnée par les scènes de beuverie au Kokinos, le troquet où se déroulent des soirées rabelaisiennes. La torpeur locale a fait effet sur ma lecture, manquant me perdre entre les pages alanguies à plusieurs reprises. Je me suis franchement demandé où le récit m’emmenait, et s’il avait bien une destination, tant les journées à Mayacumbra semblent s’étirer et se ressembler.

Pourtant, le roman a un joker dans sa manche, une carte qui peut tout bouleverser. Sur ses 100 dernières pages, le récit bascule dans une ambiance qui rappelle The Hateful Eight. Comme chez Tarantino, chacun a des choses à cacher, et quand la menace rôde, il suffirait d’un rien pour que tous et toutes en viennent à s’entretuer. Après un roman baigné de soleil, c’est dans la noirceur que nous plonge ce récit, qui semble soudainement se délecter de mettre en scène la cruauté des hommes. Un passage au noir qui a de quoi dérouter les lecteurs et lectrices assidus d’Alain Cadéo, et qui brouille les pistes. Quel prochain livre pourra-t-il bien nous proposer après celui-là ?

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