« Chaque seconde est un murmure », des mots comme raison de vivre

chaquesecondeestunmurmureAprès la mort de sa bien-aimée, le jeune Iwill quitte sa famille et part explorer le monde en quête d’une raison de vivre. Il arrive un jour chez Laston et Sarah, qui vivent entourés d’une meute de chiens dans la campagne. Sarah lui propose un étrange marché : raconter sa vie dans un grand cahier qu’elle lira…

Vous vous souvenez peut-être de Zoé, ce si beau roman découvert l’an dernier, qui m’avait valu une rencontre émouvante et marquante avec son auteur, Alain Cadéo. C’est avec une impatience palpable que j’attendais son nouveau livre, et non sans un brin de fébrilité. Après un coup de cœur, on a toujours peur d’être sinon déçu, du moins dérouté par un livre différent. En même temps, on espère tellement voir le miracle se reproduire…

Je crois qu’il est des auteurs dont la plume ne livre pas la même encre que les autres. Alain Cadéo est de ceux-là. Dès les premières lignes de son nouveau récit, j’ai senti un sourire naître sur mon visage et je me suis calée dans mon fauteuil avec au cœur le délicieux mélange d’exaltation et de sérénité que tous les amoureux des livres ont éprouvé à l’orée d’un texte que l’on n’oubliera pas.

Pourtant, l’histoire n’a rien de joyeux : on découvre par ses confidences dans le grand cahier de son hôtesse le parcours de vie du tout jeune et tout grand Iwill, qui a déjà souffert plus que sa part. Élevé par un père aussi déprimant qu’aimant, adolescent mal à l’aise avec sa grande peau éclaboussée de rousseur, ses tics et son bégaiement, il a connu la rédemption dans les bras de la magicienne Catherine, avant que celle-ci ne lui soit brutalement enlevée. Mais, comme Zoé, Iwill a la pudeur et la dignité des grandes âmes, et son chagrin jamais ne viendra écraser le lecteur. Le jeune homme développe la tristesse souriante d’un clown blanc.

Et puis, au détour d’un chemin de campagne, Iwill tombe sur ses hôtes étranges. Qui sont Laston et Sarah ? Leur maison, leurs vêtements, leur mode de vie, tout en eux sent le mystère et la féérie. Le lecteur s’immerge dans cet univers onirique de bon cœur, se laissant porter, se demandant tout de même comment cela va finir. Et si un trésor se cachait dans les galeries creusées par Laston ? Ou dans les plis du sari de Sarah…

J’ai voyagé, dans ce roman lu d’une traite, dans les méandres de la vie d’Iwill, dans l’intimité troublante de la demeure de ses sauveurs, qui tentent, par le biais de ce grand cahier de comptes, de lui faire reprendre goût à la vie. J’ai voyagé surtout dans les mots d’Alain Cadéo. Avec lui, les images les plus originales sont les plus sincères, le langage le plus poétique dit la vraie nature des choses et des êtres. Il a quelque chose de tendre, d’infiniment doux, chaleureux dans la façon d’être lucide, quelque chose qui dit que même si la vie est parfois rude, chaque instant en vaut la peine.

Alors bien sûr, dans ce roman magnifique s’est reproduit le miracle. Sept lettres.

Trois questions à… Alain Cadéo

Alain Cadéo est un fidèle du blog qui a encore une fois accepté de répondre à mes questions.

  • Vos personnages portent pour certains des prénoms étranges, inventés, mais aux sonorités pourtant familières à l’oreille. D’où les prénoms de vos protagonistes vous sont-ils venus ?

Le prénom, le surnom, le mot qui vous colle le mieux à la peau…Il est fondamental, souvent, de rebaptiser les êtres afin que la résonance des syllabes convienne à ce qu’il y a de plus intime en eux. Ne disait-on pas autrefois: « le bien nommé »… Bien nommer c’est comme trouver la formule exacte qui met en vie, en mouvement, les ectoplasmes de la pensée. Se tromper de nom c’est passer à côté de la substance de l’être.

  • Deux de vos personnages principaux, Iwill et Sarah, ont en commun leur couleur de cheveux assez rare. Mais le roux du jeune homme est évoqué comme plutôt associé au froid, à la pâleur, la maigreur, alors que Sarah semble d’une rousseur chaude, sensuelle, flamboyante. Pourquoi le choix de cette couleur de cheveux commune ? Y voyez-vous une symbolique particulière ?

Cela m’intéressait d’associer Sarah et Iwill autour d’un point commun: la rousseur. Cette dernière fut longtemps perçue comme signe d’exclusion du groupe.

Ce que j’aime dans le symbole c’est ce qu’il véhicule à notre insu. L’in-décryptable richesse qu’il contient est un lien inconscient entre tous ceux qui l’évoquent.

Je ne peux que réveiller par l’usage de certains concepts, une quantité de connexions, mais je ne peux ni ne veux en aucun cas les réduire. Le symbole est comme une poignée de graines différentes jetées en terre. Ce qui en sort est vaste comme un champ. À chacun de trouver la fleur qui lui convient.

  • On retrouve dans ce roman un objet crucial déjà présent dans Zoé : le cahier dans lequel un personnage écrit. Mais alors qu’Henry disait n’écrire que pour lui et les morts, le cahier d’Iwill est dès le départ à destination de Sarah, et sa confession apparaît comme une conversation. Cela traduit-il une évolution de votre conception de l’écriture ?

Le cahier, vu comme grimoire, réceptacle de la Pensée difficilement partageable, sanctuaire destiné aux morts silencieux et aux rares vivants susceptibles de s’intéresser vraiment à ces chuchotements de plume. Le cahier, c’est le lieu blanc d’âmes « inquiètes » d’apprendre, la mécanique secrète, les effets de toutes formes de vie sur l’esprit attentif patient et recueilli.

Un immense merci à Alain Cadéo pour ses réponses si pleines de sens, et pour son soutien sans faille.

16 commentaires sur “« Chaque seconde est un murmure », des mots comme raison de vivre

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