« Des lendemains qui chantent » et des journalistes qui déchantent

deslendemainsquichantent10 mai 1981, Saint-Étienne. Léon, son meilleur ami Sylvain et son frère Olivier apprennent avec joie l’élection de François Mitterrand à la tête de la République. Dans la foule en liesse, une inconnue embrasse Léon avant d’entonner un chant de victoire. 2002, dans un isoloir, Léon hésite : qui incarne encore le rêve socialiste ?

Ne pas se fier à la bande-annonce farcie de scènes de nudité ou de cabaret et de punchlines plutôt faciles : à l’inverse de beaucoup de long-métrages dont le meilleur était résumé en quelques minutes, le film de Nicolas Castro mérite vraiment d’être découvert.

Je passerai rapidement sur le casting trois étoiles : Gaspard Proust parfait en homme de pub sans éthique (mais pas forcément sans cœur), Ramzy caution humoristique mais tendre, André Dussollier étonnamment convaincant en syndicaliste, Laëtitia Casta tout en charme et en retenue, réussissant à merveille la transition entre la jeune femme fougueuse du début et la conseillère politique policée. Et est-il encore besoin que j’explique que Pio Marmaï est un des meilleurs acteurs de sa génération ?

De la justesse dans les personnages principaux, de l’humour, de l’amour, de la tristesse aussi par moments, un équilibre suffisamment subtil pour que le spectateur adhère tout au long du film au parcours de ces idéalistes perdus face au déclin de la gauche.

Car le film a bel et bien une intention politique. Et c’est là que tout devient intéressant. J’ai peu l’habitude de lire la presse culturelle avant d’écrire mes critiques mais cette fois, j’ai pu constater que ce film avait été généralement étrillé par les médias. Accusé de trop de légèreté ou de trop de lourdeur, il lui est surtout reproché de caricaturer le milieu de la communication (incarné par le personnage d’Olivier) et celui du journalisme. À mes yeux, c’est pourtant la plus grande réussite du film : en incrustant Pio Marmaï dans des images d’archives piochées dans la base de l’INA, Nicolas Castro confronte Léon à des personnalités politiques de premier plan et en fait un journaliste sans concession. Une honnêteté qui lui vaut plus de revers que de réussites : démissionnaire dès qu’un journal s’affadit et se droitise, Léon rebondit grâce aux relations de son frère, mais lorsqu’il refuse définitivement d’utiliser le piston, il se retrouve journaliste sportif à se « geler les miches » en bordure des stades. Certes, le passage chez Globe est sans doute trop appuyé, et on peut toujours trouver réducteur le choix des deux scènes chez Libération. Mais le propos est simple et efficace : mettre en lumière les travers d’un milieu où l’engagement cède toujours le pas à la mode. On ne demandait pas à Nicolas Castro un documentaire (c’est pourtant sa spécialité), on aurait bien tort de lui reprocher d’avoir su, sous l’enrobage de la fiction, remettre certaines pendules à l’heure.

Bref, les journalistes se sont sans doute sentis vexés par ce film qui ose montrer que nul ne réussit sans compromis, mais qu’à force de privilégier le succès individuel, le résultat est la fin de l’idéal social. Mais si Léon est désabusé, sa fidélité à ses valeurs lui aura quand même davantage souri que l’opportunisme de son frère et que la course à l’argent de son ami : car Léon, au moins, n’est pas seul…

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