Nelly, jeune danseuse dans un cabaret, rencontre un escroc qui l’introduit à Broadway, un cinéma terrasse abandonné où il crèche avec sa bande…
Les courts-métrages du cinéaste grec Christos Massalas ont eu tant de succès en festival que pour le travail sur son premier long, il a pu s’offrir de grands noms, tels que le compositeur Gabriel Yared ou le monteur Yórgos Lamprinos, son compatriote notamment remarqué pour Jusqu’à la garde et The Father.
Avec Broadway, comme son nom ne nous l’indique pas, le cinéaste rend hommage à un aspect méconnu d’Athènes : loin des lieux touristiques, des temples et autres vestiges antiques, dont on n’apercevra que le Parthénon au loin sur un plan large de la ville, c’est une capitale moderne, avec des immeubles de bureaux, des rues où se bousculent les gens pressés, qui ne s’arrêtent que pour contempler quelques minutes avec fascination le spectacle de rue proposé par Nelly, mais aussi, par contraste, une ville qui a gardé des décombres des décennies précédentes, et qui touchée par la crise n’a pas forcément eu les moyens de maintenir tous ses bâtiments et ses lieux culturels en bon état. Ainsi en témoigne l’ancien complexe de divertissement « Broadway » avec son cinéma-terrasse et sa salle de théâtre, le tout déserté et tombant largement en ruine, en témoigne le plan marquant sur l’enseigne dont les lettres se décrochent.
Ce lieu fabuleux, trésor caché qui impose au cinéaste de remodeler son scénario pour coller à la réalité des espaces disponibles, devient le révélateur des relations entre les personnages et de leur évolution. Rien n’est anodin : ni le fait que la seule pièce fermée soit une chambre aux allures de cellule où l’on protège en même temps qu’on exclut les transfuge d’un gang voisin, ni la cuisine ouverte dehors dont le placard sert aussi bien à stocker la chiche nourriture que le produit contre les nuisibles, ni l’emplacement du matelas à même le sol sur la scène du théâtre qu’éclairent les projecteurs. Au sein de la petite communauté, rien ne peut être durablement caché une fois sorti du cachot.
Mais au-dehors, tout n’est qu’apparence, masque, dissimulation. Le ballet bien rodé des voleurs à la tire, parmi le public, reflète celui chorégraphié de Nelly, parfaite diversion dans ses costumes à paillettes clinquants et élimés à la fois. Des tenues dignes d’Almódovar qui attirent et détournent le regard, rappelant l’idée bien connue que la meilleure planque est en pleine lumière. À la fois romance, film de voyou, intrigue à suspense, presque film noir pour autant pas dénué de moments de comédie, largement dus au petit couple Rudolph–Mojito (géniale scène du porté qui révèle un travail de cadrage particulièrement intelligent), le film peut compter sur son mélange de tonalités pour ne jamais ennuyer un instant les spectateurs/trices, sachant relancer régulièrement leur intérêt par un rebondissement, une rupture de ton, comme ce surgissement de la musique de Fame ou ce face-à-face au parloir, loin des couleurs exubérantes de Broadway. Dans cet univers chatoyant et déglingué, le casting composé d’acteurs et actrices ayant chacun(e) des défis à relever (une grosse transformation physique, l’apprentissage de la danse, voire une première apparition devant la caméra…) s’en sort brillamment, avec une mention spéciale pour Elsa Lekakou, au regard enfiévré de tragédienne.
Après la crise qui a durement frappé le pays, au milieu des ruines de son industrie culturelle, le cinéma grec se relève de belle manière ces dernières années, et Christos Massalas en est un digne représentant, un nom avec lequel il faudra compter.
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