« Le compagnon idéal » : celui avec qui se confiner !

Eva est une rêveuse, qui n’aime rien tant que le soir venu pouvoir imaginer dans son lit des situations romantiques. À l’anniversaire de sa chef, elle rencontre le frère de celle-ci et c’est le coup de foudre. À l’annonce du confinement, le couple s’installe ensemble…

Chaque année apporte son nouvel opus d’Isabelle Minière chez Serge Safran, et c’est toujours un plaisir de retrouver cette plume adepte des jeux de mots si habituée à fouiller les recoins de la psyché humaine, le tout sous une forme divertissante. L’an dernier, elle avait placé son focus sur la relation entre une fillette et sa mère abusive, puis sur la rencontre avec le père absent. Cette année, c’est à nouveau plutôt le couple et la romance qui sont au centre du récit, comme autrefois dans Je suis très sensible ou dans On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.

Cette Eva, elle est bien la digne héritière des protagonistes habituel(le)s de l’autrice : un peu à part, pas très populaire, qui peine à trouver sa place dans ce monde et qui le regarde avec une forme de candeur enfantine. Eva n’aime pas trop la télévision, elle préfère la radio ou les livres qui lui permettent de s’inventer des images dans sa tête. Elle n’aime pas trop non plus la fréquentation des humains, à peine rapidement son voisin et le SDF près de la bouche de métro qui lui donnent l’occasion d’exercer son humanité sans trop lui imposer de conventions sociales, avec lesquelles elle est visiblement mal à l’aise. Eva préfère aller marcher, chercher dans la ville des bribes de nature, penser à des choses douces comme faire une sieste au bord de la rivière ou se concocter un bon repas pour le soir. Comme tous ces cœurs simples qui peuplent les romans d’Isabelle Minière, Eva a déclenché une certaine méfiance de la part de son entourage : ici c’est la patronne Cloé, mais aussi sa mère et sa sœur qui s’inquiètent de sa solitude, en particulier pendant ce temps de confinement

C’est l’un des premiers récits publiés qu’on découvre centré sur cette période si particulière de l’année 2020, un roman avec masques et attestations, contrôles policiers dans les rues vidées de la plupart de leurs marcheurs/euses, où l’angoisse d’attraper le virus fait partie du quotidien des personnages. Et qui mieux d’ailleurs que cette autrice habituée à saisir l’absurdité de l’existence contemporaine pour faire ressortir le sentiment d’étrangeté propre à ce moment ?

On ne peut pas dire que l’on s’inquiète vraiment pour les personnages du récit, tant leur vie semble enfermée dans une forme de bulle ouatée où il n’y a pas de vraie place pour des sentiments négatifs. On ne peut pas dire non plus qu’on se laisse véritablement surprendre par les derniers chapitres et ce qu’ils nous font reconsidérer du récit. Ce qui pourrait apparaître comme un twist ahurissant, pour peu que l’on connaisse bien Isabelle Minière et ses œuvres précédentes, relève plutôt du truc prévisible. C’est comme un tour de passe-passe, dont on aurait compris l’artifice très vite, mais que l’on prendrait quand même plaisir à observer, rien que pour voir comment l’artiste va le mettre en place pour parvenir à ses fins. Dans cette horlogerie délicate qui nous mène à la révélation, on retrouve ce goût de la répétition, de faire rouler les mots dans un ordre inhabituel révélant comme un sens caché, même si l’écriture est ici relativement épurée de ses habituels jeux de mots. C’est de la belle ouvrage, qui se lit quasiment d’une traite avec un plaisir de gourmet, quand bien même celui de la surprise n’y serait plus.

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