« Boulevard de la mort », audacieux tête-à-queue

La présentatrice de radio Jungle Julia et ses copines sont de sortie, passant la soirée au bar avant de partir en week-end dans la maison du père d’une des filles. Elle croise un cascadeur balafré à la voiture garantie à l’épreuve de la mort… 

Movie Challenge 2022 : un film en grande partie tourné dans une voiture

Coincé entre le volume 2 de Kill Bill et Inglourious Basterds, Boulevard de la mort est resté considéré comme un Tarantino mineur, après un échec au box-office à sa sortie. Ce n’est pourtant clairement pas le moins intéressant d’une filmographie habitée par le goût du rétro et de la violence extrême.

Fasciné par les cascadeurs, le cinéaste décide de mélanger deux idées : celle de faire un slasher, et d’utiliser comme arme du crime non pas une arme blanche, comme c’est traditionnellement le cas dans le genre, mais un véhicule blindé prévu pour réaliser des cascades de cinéma. C’est cette idée qui donne au film son originalité, celle de meurtres qui ressemblent à des accidents de voiture particulièrement sordides, mais qui ont été prémédités comme des assassinats. Cette idée a relativement séduit le public, friand des scènes de course-poursuite et d’accidents qui créent une certaine tension et sont visuellement marquantes (notamment dans le choix de rejouer quatre fois le premier meurtre afin de bien décomposer le devenir de chacune des filles).

L’autre particularité du film, sa construction en deux parties qui se répondent, comme si la seconde était une forme de revisite de la première, convainc beaucoup moins car elle s’accompagne de certaines longueurs avant d’arriver à ces morceaux de bravoure. En composant deux groupes de jeunes femmes, qu’il veut modernes et délurées dans leur langage comme dans les gages qu’elle se donnent pour piment leur sortie, le cinéaste nous impose de longues scènes de conversation assez pénibles, qui contribuerait presque à justifier le meurtre comme la punition d’une forme d’inconséquence dans leur comportement. C’est d’ailleurs le principal reproche qu’on pourrait faire au film, celui de distinguer les victimes des survivantes.

On a pu considérer le film sous un angle relativement féministe en regardant la deuxième partie, qui met en scène un groupe de jeunes femmes travaillant dans le milieu du cinéma, dont la cascadeuse Zoë Bell dans son propre rôle. En effet, ces jeunes femmes qui ne rêvent pas de relation avec les hommes mais de défis professionnels (le gage n’est plus d’exécuter une lap dance pour le premier venu mais d’accomplir une dangereuse cascade sur le capot d’une voiture) font preuve de courage, d’une entraide qui pourrait passer pour de la sororité, et se révèlent franchement badass à la fin du film.

Mais ce serait oublier que la première partie a pris un malin plaisir à tuer cruellement sous nos yeux un premier groupe, dont les préoccupations tournaient essentiellement autour de leur popularité et des garçons.

Si pour le tueur, génial Kurt Russell dont les regards caméra font mouche, cela ne fait guère de différence, puisque seul le regroupement de jeunes femmes, plus ou moins liées à des milieux médiatiques, semble suffire à l’exciter à accomplir ses plans macabres, pour le scénario, la différence est fondamentale entre le destin des deux groupes, et la moralité qui s’en dégage pose problème, quand bien même il s’agirait de façon évidente de régler son compte au criminel, dans une scène ubuesque qui ressemble à une cinématique de vieux jeu vidéo.

Le plus remarquable, dans ce film, c’est peut-être encore son esthétique, qui joue de l’aspect vieille pellicule, avec des défauts visibles à l’écran, le son qui saute, une impression de bugs techniques, qui apporte un certain cachet et contribue à rendre le montage signifiant. En cela, le long-métrage se distingue de ceux qu’il suit et de celui qu’il précède, à l’aspect bien plus léché et moins grunge. Cet hommage aux vieux films de course-poursuite (dont certains titres sont cités dans les dialogues), est l’aspect le plus inconditionnellement réussi.