« Figurante » : portrait d’une silhouette

figuranteLouise a vingt ans et gagne sa vie comme serveuse dans un hôtel miteux de province. Un jour, un client qui ressemble à son vieux père lui annonce qu’il est réalisateur et veut faire d’elle la muse de son prochain film…

J’avais repéré le roman de Dominique Pascaud parmi les sorties de la rentrée littéraire en raison de son titre, qui évoque d’emblée le milieu du cinéma. Un monde que je ne connais pas de très près mais qui m’a toujours vivement intéressée. Si les romans mettant en scène des vedettes existent, rares sont ceux qui s’attardent sur le destin des figurants. Il y a en effet une contradiction dans les termes entre la silhouette qui passe à l’écran sans être regardée ni même parfois vue, et le statut d’héroïne de roman.

Et pourtant, pour son premier opus, Dominique Pascaud a eu la bonne idée d’oser le paradoxe, composant le portrait d’une jeune fille banale qui se trouve soudain confrontée à une proposition extraordinaire. Louise s’était préparée à suivre un chemin tout tracé, où le comble de la réussite serait l’ouverture d’un établissement de chambre d’hôtes, en compagnie d’un homme qui l’a choisie sans que la décision paraisse vraiment réciproque.

Contrairement à beaucoup de jeunes filles de son âge, Louise n’a jamais rêvé plus grand ni plus original qu’un emploi modeste et un garçon sans intérêt. La gloire, l’argent, le succès, des aventures débridées, très peu pour elle. Comme si, responsable malgré elle de la mort en couches de sa mère, Louise ne semblait rien mériter.

C’est par scènes juxtaposées, incluant des ellipses brutales qui égarent par moments le lecteur, que Dominique Pascaud dépeint cette jeune serveuse dans son environnement quotidien, ses gestes répétitifs et sa grande solitude intérieure. La proposition du réalisateur apparaît alors non comme la réalisation d’un rêve mais comme la possibilité d’une expérience, et surtout la révélation de l’individualité de Louise. Soudain, celle qui était habituée depuis sa plus tendre enfance à se fondre dans le décor devient une femme que l’on remarque, que l’on complimente sur son physique, son élégance naturelle et son intensité.

Si la désillusion peut paraître cruelle, elle n’est finalement pas si dramatique, car le vieil homme a eu le mérite de générer une réflexion chez Louise. Qui est-elle ? Que veut-elle vraiment faire de sa vie ? Des chambres de l’hôtel au métro de Paris, Louise part alors en quête de son destin.

Elle comprend peu à peu que nul ne peut décider à sa place, et que personne ne peut lui imposer des rêves qui ne sont pas les siens. Il y a une certaine noblesse à se contenter de désirs simples et une forme de pureté dans le refus de Louise de se voir déposséder de ses choix. De figurante qu’elle était au départ, la jeune serveuse devient au fil des pages le premier rôle de sa propre vie.

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