« No et moi », émoi et engagement

NoetmoiLou Bertignac, 13 ans, surdouée, adore observer les gens dans les gares. Un jour, elle rencontre No, SDF de 18 ans. Elle tient son sujet pour l’exposé réclamé par Monsieur Marin, le prof de SES : elle va interviewer No et retracer son parcours.

De Delphine de Vigan, j’avais lu, un peu par hasard, Les Heures souterraines. J’en avais aimé l’atmosphère mais le déroulé de l’intrigue m’avait un peu désappointée. Je gardais pourtant l’idée de persévérer dans l’œuvre de cette auteur. J’ai donc pris le temps de faire une pause dans la rentrée littéraire 2014 pour dévorer No et moi, dont on connaît le succès.

Je dois dire que je comprends assez l’engouement autour de ce roman qui a pour lui un grand nombre d’ingrédients appréciés du public : une héroïne un peu décalée, dans son monde, celui d’une enfant surdouée au ton mûr et enfantin, capable à la fois d’admirer avec candeur le trublion de sa classe, de s’interroger sur la marche du monde et de mener à bien une étude comparative de surgelés. Mais aussi un thème engagé, les sans-abris, incarnés ici par une jeune femme attachante, Nolwenn dite No, qui ne veut pas qu’on la prenne pour une clocharde, et s’attache malgré elle à la petite Lou. En arrière-plan, d’autres questions sombres s’infiltrent dans le récit : la mort d’un enfant, le rejet scolaire des jeunes différents, le harcèlement professionnel (thème cher à Delphine de Vigan puisqu’exploité aussi dans Les Heures souterraines).

L’ensemble m’a fait songer à L’Élégance du hérisson, que j’avais beaucoup aimé. On retrouve chez Lou quelque chose de Paloma, avec peut-être un peu moins de profondeur. On s’attache à cette adolescente idéaliste, à sa vivacité et à sa volonté à toute épreuve. Le corrélat du choix de cette jeune narratrice est une vision partiellement édulcorée du parcours de No. On devine que la jeune femme a subi des traumatismes, et qu’elle en vit encore (alcool, drogue, prostitution…) sans que le lecteur ne soit jamais vraiment plongé dans la réalité de ses difficultés. Il émane du roman une certaine légèreté, surtout perceptible dans les scènes décrivant les soirées des deux jeunes filles en compagnie de Lucas, le mauvais garçon de la classe qui se révèle très vite responsable et affectueux.

Le film de Zabou Breitman, adapté du roman, a su recréer ce décalage entre la joie de vivre encore enfantine de ces jeunes gens et les drames que la vie place sur leur chemin. Pourtant, j’ai trouvé que le long-métrage, bien que retranscrivant fidèlement la trame narrative, passait à côté de l’essence du livre. Si Lou est incarnée avec subtilité par la jeune Nina Rodriguez et si Zabou Breitman et Bernard Campan sont assez convaincants, je n’ai personnellement pas été séduite par le choix des autres acteurs. On voit assez peu les camarades de Lou mais le jeune Lucas (Antonin Chalon), même s’il prend un peu d’épaisseur au fil du film, manque de charisme par rapport à son alter ego littéraire. De plus, le personnage principal de No est très loin du livre. Le roman présente une jeune femme méfiante, sur la défensive, et fragile, au regard clair et aux cheveux sombres souvent attachés. La rousse Julie-Marie Parmentier en fait une gouailleuse hystérique parlant avec un débit de mitraillette. Nolwenn, devenue Nora, tombe dans le cliché. Pour preuve, son amie Geneviève qui travaille au rayon traiteur d’un supermarché, est renommée Cindy, prénom à connotation américaine beaucoup plus attendu pour une fille de la DDASS. De fait, le film tire vers la caricature une intrigue déjà en partie prévisible. Au final, le tout manque cruellement de la simplicité qui émane pourtant de certains autres films de la réalisatrice (Je l’aimais, Se souvenir des belles choses). On retiendra tout de même la performance de la jeune Nina Rodriguez et la chanson du générique de fin, interprétée par Anna Chalon (alias Kiddo), qui contraste avec une bande-son par ailleurs maladroite.

 À choisir, je conseillerai nettement le roman non dénué de grâce de Delphine de Vigan, qui devrait savoir toucher ceux qui se souviennent encore de l’idéalisme de leur adolescence.

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