Une place au soleil
Pendant le premier confinement en Belgique, la journaliste Clara Beaudoux filme le quotidien de son quartier depuis sa fenêtre…
Ce sont des moments de 2020 que tout un chacun a connu et aimerait oublier, les annonces à la radio qui s’enchaînent, demandant aux populations de se confiner, et la litanie des chiffres désespérants. Mais à ce moment Clara Beaudoux prend sa caméra, et commence à filmer de sa fenêtre. Des personnes d’abord sans masque puis masquées, des policiers qui font circuler et un jeune skateur qui arrache les rubalises condamnant les bancs. Et puis, des instants de beauté, comme ce papa faisant flotter un cerf-volant en papier pour le plaisir de son petit enfant, ou cette voisine au téléphone ravie d’observer le cœur dessiné par un employé du nettoyage urbain. Il y a eu beaucoup de gris en 2020, mais ce court-métrage nous rappelle qu’il y a aussi eu des moments de soleil.
Gare aux coquins
Tonio, Brésilien en visite en Corse, rencontre sur une appli un homme qui lui fait découvrir les lieux de rencontres gays…
Mi-documentaire mi-fiction, le film de Jean Costa mêle également les techniques : si la découverte des lieux cachés de la sexualité gay sur l’île est en prises de vue réelles, les conversations sur l’application, et leur impact sur le protagoniste (incarné par le réalisateur), utilisent l’animation et l’audio. Le mélange est réussi et c’est surtout ce qu’on retient de cette exploration qui est aussi l’histoire d’une rencontre.
Filles bleues, peur blanche
Nils s’apprête à présenter à sa mère sa compagne Flora. Mais alors qu’ils roulent vers la montagne, ils tombent dans une embuscade…
Marie Jacotey et Lola Halifa-Legrand misent sur une animation tout en dessins aux crayons de couleur pour cette parabole sur le couple. Alors qu’elle va être présentée à la mère de son compagnon, Flora est symboliquement confrontée à toutes les filles qu’il y a eu avant elles et doit leur échapper pour obtenir pour de bon l’amour de Nils. Avec les voix, entre autres, d’Esther Garrel et Pauline Chalamet, ce chœur féminin vengeur forme une anti-sororité inquiétante.
Meine Liebe
En 2016, Clara a acheté un pied de tomates en pot, mais ne s’en est pas vraiment occupée. La plante a produit une unique tomate…
À partir de photos, parfois en noir et blanc parfois en couleurs, souvent floues, et de courts extraits vidéo, Clara Jost réalise ce court qui ressemble à un montage diffusé lors des événements familiaux en hommage à un(e) proche. Ici, les violons d’Elgar soulignent le destin tragique du pied de tomate, et l’hommage en devient mi-comique mi-tragique.
My heart
Roza décide de quitter Varsovie avec son petit garçon Kaziu, pour une ville de province où elle aura un emploi stable au théâtre de la ville. Elle se lie d’amitié avec l’enseignant de son fils…
Le film de Damien Kocur évoque avec tendresse les relations d’une mère artiste et de son fils. Le petit garçon est vif et joueur, mais souffre d’un défaut d’élocution et de problèmes de concentration. L’arrivée dans une nouvelle ville occasionne beaucoup de changements dans le quotidien du duo, et l’on suit en parallèle les répétitions de la pièce à laquelle participe la mère (autour des violences sexuelles) et les appels de l’école suite aux déboires du fils. Les moments avec l’instituteur constituent pour chacun(e) une bulle privilégiée, mais il est appréciable que le film ne s’embarque pas dans une romance téléphonée pour autant, gardant le focus sur la relation mère-enfant jusqu’au bout.
Right now
Comme tous les étés, Antonio et son frère viennent récolter les figues du jardin de leur grand-mère. L’un se plaint, l’autre profite en silence de ce moment particulier…
Sous le soleil de plomb de la Calabrie estivale, Emanuela Muzzupappa rend hommage à sa région à travers une histoire de famille. Deux frères se livrent à un rituel, d’habitude partagé avec leurs oncles et tantes. Le plus jeune râle, se plaint, tandis que l’aîné est plus concentré et silencieux. Ce n’est qu’à la fin du métrage que l’on comprend, avec Antonio, l’importance de cette journée particulière. Une fin touchante.
Dustin
Dustin et ses potes sont sortis faire une fête dans un bâtiment désaffecté. Danse, drogue, puis une bagarre, et l’après-soirée où les langues se délient…
Naïla Guiguet est DJ dans un collectif techno en plus de ses activités de cinéaste, et c’est donc sans surprise que son court-métrage s’inscrit dans un univers de la nuit avec la musique bien présente. La fin du film révèle son intérêt, lorsque les personnages commencent à discuter et que les questions queer sont clairement abordées, en particulier le rapport entre parcours de transition et vie de couple. Malheureusement très mal éclairé (ça passerait peut-être mieux en salles mais sur petit écran on ne voit strictement rien), le film bénéficie d’un casting soigné et a récolté de nombreux prix.
Mozaic
Trois personnages de religions différentes dans une ancienne ville du Moyen-Orient sont réunis par leur amour de la musique. La guerre éclate et vient la destruction…
Les sœurs Özbilge créent un univers d’animation (même si le film n’est pas présenté dans la sélection animation) très élégant, rappelant à la fois Marjane Satrapi ou plus récemment Parvana, avec beaucoup d’éléments à observer et des personnages expressifs sans dialogues. On se croit dans une simple chronique quotidienne, dans laquelle la musique tient une belle place avec des morceaux classiques interprétés au violon ou à l’orgue. Mais l’univers bascule dans une atmosphère de cauchemar pour évoquer la guerre. Poétique, métaphorique, un film qui donne envie d’en voir plus de ses réalisatrices.
Staying
Ruth est en plein divorce, et envisage d’aller s’installer à la campagne. Elle se rend dans une ferme dans l’idée d’aller adopter un chien de berger…
Le film de Zillah Bowes est soutenu par Sweet Sixteen, et on retrouve un cadre social rural cher au cinéma britannique, et toujours si plaisant à l’image. Le personnage féminin est joué avec beaucoup de retenue par Lisa Jen Brown, qui ne s’étale pas sur les difficultés qu’elle traverse. Cette crise qu’elle rencontre la pousse à s’investir très vite et fort dans ce nouvel environnement qui l’accueille avec générosité. Les amoureux des animaux apprécieront les gros plans de câlins avec le chien ainsi que le quotidien des bergers (interprétés par des réels professionnels locaux non acteurs). Très pur, authentique et sincère.
Trona Pinnacles
Un couple et leur fille vont visiter la vallée de la mort. Mais le couple ne se supporte plus et la jeune fille supporte difficilement le climat pesant…
Retour à l’animation avec ce film français de Mathilde Parquet qui propose une esthétique envoûtante. Les décors sont sublimes, donnant l’impression d’encre diluée, avec des couleurs qui imprègnent la rétine. Les personnages ont quelque chose d’enfantin dans le trait (notamment leur petit nez) qui est assez à la mode et expressif. Sur le fond d’une intrigue assez classique de dispute conjugale avec l’enfant pris au milieu, la réalisation montre bien la violence des émotions qui peuvent monter vite et redescendre si l’on trouve le moyen de les exprimer.
Palma
Jeanne emmène sa fille à Majorque pour un week-end. L’occasion de sortir un peu du quotidien désargenté et de faire une jolie photo de la mascotte de la classe, une peluche de singe…
L’année dernière, on avait pu découvrir durant Premiers Plans Sans frapper, construit à partir de témoignages de victimes de violences sexuelles. Alexe Poutine revient devant et derrière la caméra dans Palma, un court-métrage touchant sur la difficulté d’être mère célibataire, qui s’exprime durant un week-end qui aurait dû être joyeux mais vire de mal en pis. Le duo Alexe Poutine-Lua Michel est crédible et émouvant.
My own landscapes
Cyrille était e-sportif quand il a été recruté par l’armée pour modéliser les lieux de batailles afin de préparer les troupes et soigner les PTSD. Après la guerre, il tente lui-même de se reconstruire…
Antoine Chapon a choisi un sujet très peu commun pour ce court-métrage documentaire, dont la narration est effectuée par une voix off féminine. On suit le parcours de Cyrille, un ancien militaire qui a contribué à la création de jeux vidéo immersifs pour la préparation de ses pairs avant de connaître la guerre. Traumatisé, le jeune homme crée sa propre thérapie en inventant des paysages naturels précis et vides d’humains et de guerres. À l’écran, l’apparition des arbres en plein ciel ou d’un avatar réaliste constituent une forme de poésie technologique assez fascinante.
Les mauvaises habitudes
Bianca ne sait pas trop comment vivre toute seule, alors elle commence par interroger ses ami(e)s sur leurs habitudes, puis se met à les espionner…
Hugues Perrot (qu’on a pu apercevoir dans La Lévitation de la princesse karnak) et Laura Tullier (qui a travaillé avec Philippe Garrel), coréalisent ce court-métrage centré sur une figure de jeune femme un peu perdue. Bianca (Lucie Epicureo) cherche des réponses à ses questions existentielles auprès d’une amie hypnotiseuse, ou dans le mode de vie de ses proches, jusqu’à se faire voyeuse. Très ancré dans le quotidien des 25-30 ans en plein doute d’aujourd’hui, le film souffre de longueurs et rappelle par certains aspects l’ambiance de Drôles d’oiseaux.