Le test
Leïla n’a pas eu ses règles, alors elle décide de faire un test de grossesse…
Un peu dans la veine d’un Énorme, le film de Gabrielle Stemmer met en scène un moment intime de la vie de femme, ici un retard de règles et l’angoisse que cela génère, dans un court-métrage comique. Salomé Ayache incarne une jeune femme désorganisée qui passe une très mauvaise journée en attendant de savoir si elle est, ou non, enceinte. Des personnes qu’elle croise aux pubs affichées au mur en passant par l’enseigne d’un café, tout lui rappelle sa préoccupation du moment. L’usage des ouvertures/fermetures à l’iris comme vecteur d’humour est assez réussi, même si on n’éclate jamais de rire.
Le tampon
Camille s’interroge sur une scène vécue il y a quelques années, autour d’un tampon. Elle met en place un processus documentaire pour essayer de comprendre par le dialogue ce qui lui est arrivé…
[TW viol]
Le documentaire de Camille Kunegel a de quoi surprendre et choquer. Au commencement, la voix off de la réalisatrice raconte ses premières règles, son apprentissage de l’utilisation des tampons, et on pense qu’on va se trouver dans une œuvre sur la condition féminine et ses aléas pratiques. Mais rapidement, elle raconte un souvenir douloureux, qu’elle va explorer en filmant les réactions face caméra de son entourage à ce récit. Tout est gris, la plage, les vagues et la brume, comme la « zone grise » alcoolisée dans laquelle le consentement n’a pas été sollicité. Plus le film avance, plus l’émotion prend à la gorge. Une expérience qui ne s’oublie pas.
S P A C E S
À 23 ans, Simon a eu une tumeur au cerveau qui a détruit sa mémoire immédiate. Sa sœur témoigne de cette expérience…
La réalisatrice Nora Štrbová témoigne d’un fait familial intime autour de son frère, un peu comme dans le long-métrage Petit Samedi. Mais ici l’aspect documentaire se mêle à un côté expérimental qui associe une animation le plus souvent sur fond noir et des photos, parfois découpées au niveau du visage pour exprimer la perte de mémoire, ainsi que des témoignages audio où l’on peut entendre Simon et son meilleur ami dialoguer avec elle. Une forme très prometteuse.
O black hole !
Une femme qui refuse que le temps qui passe lui arrache ce qu’elle aime se transforme en trou noir en ingérant tout ce qui lui est cher…
L’Américaine Renee Zhan et son équipe livrent l’une des propositions esthétiques les plus enthousiasmantes du festival avec ce court d’animation mêlant les techniques avec beaucoup de réussite : dessin, aquarelle, peinture, marionnettes en stop motion… Le travail sonore est également d’envergure puisque le film fonctionne comme un opéra avec un récitant et des airs chantés. En un quart d’heure, les personnages incarnent une réflexion métaphysique sur le passage du temps et la postérité. Impressionnant.
L’espace rapide
Aux Buttes-Chaumont, deux amis discutent de leurs déboires amoureux, deux ados tentent de séduire une Américaine et une jeune femme tourne un film…
Drôle de titre pour le film de Marin Gérard, dans une veine très française qui rappelle un peu les films de Guillaume Brac, sauf que le cadre n’est pas Cergy mais le parc des Buttes-Chaumont. En trois points, des conversations se jouent autour des déceptions, des espoirs et des projets des personnages. L’entrelacement final est élégant, les conversations sonnent juste et sont bien interprétées (avec en prime Quentin Dolmaire au casting, dans une veine Desplechinienne), on se demande encore un peu où cela veut aller.
I want to return return return
Elpi, jeune femme Grecque vivant à Berlin, a reçu un appel de son amie Maria qui lui annonce qu’elle vient la voir à l’improviste…
Le Grand Prix du Jury est étonnant. Elsa Rosengren nous entraîne dans un quartier de Berlin nimbé d’une lumière jaune, presque sépia, pour suivre la journée d’une jeune femme qui espère retrouvée une amie partie depuis longtemps. Mais entre les passages où l’on voit Elpi, on découvre aussi les conversations du quotidien des personnes qui croisent sa route ou vivent non loin. L’ensemble forme une sorte de portrait d’un quartier, où transparaît l’affection pour la ville des racines. Le clair-obscur met en valeur les singularités des visages filmés de près et la scène de danse est esthétisée par le rouge et le miroir. Mais le scénario laisse perplexe.
Sun Dog
C’est la nuit la plus longue du monde et la tempête de neige se déclare dans la Russie arctique…
Le plan d’ouverture est assez fabuleux : du noir de la nuit surgit une voix masculine qui décrit un paysage, et se paysage se dessine devant la caméra, qui suit les indications sonores. On se croirait presque dans un film à 360°, tant la réalisation s’appuie sur des mouvements lents qui suivent le personnage, chaloupant, observant le monde et les gens qui l’entourent. C’est presque mystique, en tout cas intrigant, même si la musique finale rompt carrément le charme.
Letters
Slobodan retrouve son père après vingt-cinq ans de séparation parce que celui-ci avait quitté la Croatie pendant la guerre…
Bojan Radanović met en scène un duo père-fils à couteaux tirés dans la Croatie contemporaine. Quasi huis clos, le film place les deux générations d’hommes dans une voiture, le temps d’un trajet en guise de règlements de comptes. Sous le soleil d’été, les relations sont glaciales entre celui qui est parti et celui qui est resté. La transmission d’un bien et d’un terrain fournissent l’occasion d’une tacite réconciliation.
O arrais do mar
Sur une plage du Portugal, de nuit, une ancienne technique de pêche est toujours pratiquée, tandis que non loin des promeneurs en quête de sexe se cherchent…
L’Espagnole Elisa Celda documente une technique de pêche portugaise ancestrale dans ce court-métrage nocturne. Éclairé par les écrans des téléphones portables et les phares des véhicules, le paysage maritime est à peine discernable à l’écran. C’est surtout le son qui nous guide, celui des vagues mais aussi des conversations téléphoniques qui laissent envisager un rapprochement momentané. Dommage que la pêche ne soit pas plus clairement mise en avant.
Come here
Sam travaille dans un refuge d’Ostende. Alors que son collègue Koen donne des cours de dressage, elle est plus à l’aise avec les chiens. À un cours, elle rencontre Eva, qui tente d’élever une jeune chienne Malinoise…
Il y a dans ce film quelque chose de très réaliste et quotidien, proche du documentaire, et en même temps une essence de fiction qui passe beaucoup par le jeu de Loes Swanepoel et Anna Franziska Jäger, et la façon qu’a Marieke Elzerman de capter leurs regards. Très délicat, comme la voix de Sam qui entonne une berceuse, le film parle de la relation de confiance entre un chien et son maître, et transpose cette thématique à l’amitié possible entre les deux fragiles jeunes femmes. C’est fin et émouvant.
Impériale
Eva est bonne cavalière, pratique l’escrime, et rêve d’intégrer un régiment de reconstitution historique. Problème : aucune femme n’y a jamais été acceptée…
Ce documentaire a pour lui la très grande originalité de son sujet : d’une part, on découvre l’univers des reconstitutions historiques (qu’on peut apercevoir brièvement de façon comique dans Perdrix), d’autre part, la caméra de Coline Confort suit Eva, une jeune femme qui soigne son look androgyne en espérant pouvoir intégrer le régiment. La question du genre est cruciale, mais jamais traitée avec lourdeur. L’émerveillement d’Eva l’emporte à mesure qu’elle touche du doigt son vœu.
Victoria XXI
Lucia est une jeune fille russe d’aujourd’hui, qui milite contre la guerre et s’amuse à faire des vidéos au smartphone pour ses followers…
C’est le film le plus énervé de la sélection, dans un esprit qui rappelle certaines scènes de Leto : tout à coup, les personnages peuvent se mettre à danser ou à crier, et on ne sait pas bien quelle scène a eu lieu ou non, la caméra repartant soudain en arrière pour proposer une deuxième version. On pense aussi quelque part aux messages des Pussy Riot avec cette jeune femme qui réalise des happenings contre la guerre. Mira Akirova réussit à proposer une œuvre de fiction qui ressemble à ce qu’on pourrait trouver sur les réseaux sociaux en guise de témoignage. Un peu brouillon mais audacieux.
Land of glory
Le Premier Ministre est attendu dans un lycée, et tout l’établissement est en ébullition pour produire une belle cérémonie. Márti est sollicitée pour remplacer au pied levé une camarade qui devait réciter un discours…
Ce film germano-hongrois nous plonge dans une atmosphère tendue, celle d’un établissement scolaire qui attend une importante personnalité politique. Mais plein de petits couacs viennent émailler la journée, ce qui donne une tonalité comique discrète au métrage : les passages sur le gâteau sont particulièrement drôles, mais aussi le proviseur qui ne sait pas nouer sa cravate… Côté ados, Márti est tiraillée entre l’image que les adultes attendent qu’elle renvoie, celle qu’elle et ses camarades ont d’elle-même. Borbála Nagy offre un court ironique qui oppose l’hypocrisie officielle et la sincérité des jeunes.
Le chant de l’oiseau
Pour un travail scolaire, Ianjasse cherche à retrouver des chants traditionnels éthiopiens que lui chantait son père. Elle demande de l’aide à Ibrahim, le concierge de l’école…
Sarah Imsand part de son expérience multiculturelle pour proposer un double portrait vibrant : alors que la jeune Ianjasse a envie de se reconnecter à la culture de son père disparu, Ibrahim, lui, souhaite s’intégrer à son pays d’adoption quitte à couper les liens avec sa famille qui lui rappelle le passé. Un court délicat, nimbé de jolies lumières bleutées qui mettent en valeur le regard concentré d’Ianjasse et le visage marqué par les ans d’Ibrahim.
Still Life
Elīna retourne dans la maison où elle passait ses vacances avec sa grand-mère afin de la faire visiter à des acheteurs. Mais a-t-elle vraiment envie que la propriété soit vendue ?
Ce film d’Anna Ansone nous vient de Lettonie et constitue une très belle surprise. Très silencieux et posé, il crée une atmosphère à travers l’impression de brume et la lumière dorée qui nimbent Elīna dans la maison. Peu à peu, la présence du souvenir s’incarne, et on pense à Relic avec ces trois générations de femmes unies par une bâtisse commune et les liens du sang, mais ici le constat du temps qui passe est plus tendre.
Quiet now
Une jeune guide touristique doit faire visiter une mine à un groupe d’enfants sourds-muets accompagnés d’un traducteur. Mais le comportement d’une petite fille perturbe la guide…
Le court de Katarzyna Wiśniowska propose une expérience étrange, de par son décor particulier au premier abord : au fond de la mine, les seules lumières sont artificielles, les sons ne résonnent pas comme à la surface, l’atmosphère est pesante. On s’attend à basculer dans le film d’horreur avec cette fillette étrange mais l’écriture garde un ton plus proche du drame intimiste. Une œuvre vraiment originale dans son sujet.
Such a beautiful town
Une femme croit voir son compagnon en embrasser une autre par la fenêtre. Elle sort pour le rattraper mais le monde devient hostile…
Extrêmement bizarre, le film de Marta Koch résiste à la compréhension et se présente comme une expérience sensorielle psychédélique qui nous plonge dans une ville crayonnée de cauchemar. La tromperie, la jalousie, la violence, le sexe et le sang se mêlent sur une bande-son qui tiraille nos tympans. Contrairement au texte qui apparaît à l’écran, le court est là pour à peu près tout sauf « notre plaisir et notre satisfaction ».
I don’t sleep anymore
Un petit garçon et son oncle tentent de tourner un film de vampires dans une vieille bâtisse…
Un vampire, on l’imagine plutôt parler une langue slave. Mais dans le film de Marina Palacio, c’est Kechus, un homme fasciné par la figure du vampire, qui s’attribue le rôle, alors qu’il prévoit pour son neveu celui de victime. Les plans sans musique où tous deux tentent de mener à bien leur projet malgré les conditions techniques sont plutôt comiques, mais au final, ce qui se joue c’est un passage de témoin entre une génération fraîche et l’autre déjà sur le retour.