Au sein de la communauté russe orthodoxe de Clairton, près de Pittsburgh, Nick, Mike et Steven célèbrent le mariage de ce dernier par une partie de chasse au cerf, car bientôt, ils s’en iront au Viêt-Nam sur le sentier de la guerre…
Les films consacrés à la guerre du Viêt-Nam ne manquent pas dans le cinéma américain, entre la fin des années 70 et la fin des années 80 c’est même une sorte de passage obligé de la filmographie de plusieurs auteurs, avec des œuvres souvent denses et longues (Apocalypse Now, 1979, 140 minutes ; Platoon, 1986, 115 minutes ; Full Metal Jacket, 1987, 116 minutes). Mais avant ces morceaux d’anthologie, le premier réalisateur américain à se confronter au sujet fut Michael Cimino, qui n’avait à l’époque qu’un film d’action à son crédit, et s’embarque dans une fresque de 3 heures follement ambitieuse, qui offre leur premier grand rôle à Meryl Streep, Christopher Walken et John Savage.
Accompagnés de Robert De Niro, ils incarnent la jeune génération d’une communauté russe orthodoxe de Clairton, une ville de Pennsylvanie que fait vivre le secteur sidérurgique alors florissant. Du vacarme des hauts-fourneaux en action à la liesse bruyante des chants traditionnels qui célèbrent le mariage de Steven (John Savage) avec Angela, enceinte mais pas de lui, presque l’entièreté de la première heure du film consiste en une longue exposition agitée de bouillonnement de la vie quotidienne. L’appétit de vie des jeunes gens s’exprime dans les chants, les danses, la boisson, la bagarre, les amourettes, tout ce que l’on associe traditionnellement à une jeunesse insouciante. À l’écran, les robes tourbillonnent, la caméra passe de l’un à l’autre, la bande-son nous étourdit, et nous atterrissons, comme ivres nous aussi, lors de la partie de chasse au cerf dans les montagnes qui marque le changement d’humeur du film. Les dissensions fractionnent le groupe, la belle humeur se ternit, les coups de fusil qui résonnent préfigurent la violence de la guerre à venir.
Sans transition, le film nous plonge soudain dans les marécages du Viêt-Nam où Mike, Nick et Steven, les trois inséparables, sont capturés par l’ennemi. À peine a-t-on eu le temps de comprendre qu’on avait changé de chapitre qu’on se retrouve immergé(e)s dans une scène à forte tension, que l’observation entre deux planches disjointes contribue à rendre d’autant plus stressante. Cet effet de sidération produit sur les spectateurs/trices s’apparente aux émotions ressenties par ces jeunes gens, qui se pensaient prêts pour la guerre et se retrouvent paniqués, en proie à l’angoisse de la mort, alors que leurs tortionnaires les contraignent à jouer à la roulette russe pour alimenter leurs paris.
D’échappée en sauvetage, de cascade en confrontation, le film nous mène tambour battant à travers la guerre, épisode de brutalité qui ne constitue finalement qu’un petit tiers de l’œuvre, qui s’attarde surtout sur les conséquences de cette expérience terrible sur les trois jeunes hommes et leurs rapports à leur entourage. Le scénario ménage habilement le suspense sur le devenir des uns et des autres grâce à des ellipses et changements de narrateurs qui permettent de distiller les informations au compte-goutte, révélant peu à peu l’étendue des dégâts causés par cette guerre sur la petite communauté joyeuse du début du film. La roulette russe devient la métaphore de l’adrénaline du danger qui a profondément changé les protagonistes, le symbole d’une rupture : quel que soit le résultat, pour celui qui a pressé la gâchette le canon pointé sur la tempe, l’après ne ressemblera pas à l’avant.
Prenant et servi par son incroyable quatuor encore tout jeune, le film de Cimino passe vite en dépit de ses 3 heures et se révèle une brillante étude des ravages de la guerre sur une génération définitivement abîmée.
l’un de mes films culte, il faut que je pense à le revoir, merci pour le rappel.
Avec plaisir !