« Outrages », larme de guerre

Eriksson, jeune « bleu » de la guerre du Vietnam, est sauvé lors d’une mission par le sergent Meserve. Leader charismatique, ce dernier entraîne ses hommes dans un acte de revanche interdit : l’enlèvement d’une jeune vietnamienne en guise d’esclave sexuelle…

Inspiré d’un fait réel, narré dans un livre de Daniel Lang, Outrages rappelle évidemment Voyage au bout de l’enfer, sorti une dizaine d’années plus tôt, dans sa volonté de montrer la réalité crue de la guerre du Vietnam. Mais là où le film de Cimino présentait trois amis avant, pendant et après les combats, celui de De Palma s’appuie sur le scénario de Lang et David Rabe qui se déploie autour d’un personnage seul contre tous. En cela, c’est davantage à un Serpico que peut faire penser le métrage : comme le personnage incarné par Al Pacino, celui de Michael J. Fox va tenter de dénoncer ce dont il a été témoin dans le comportement de ses collègues, ce qui lui attire des ennuis, et plus il remonte dans la hiérarchie militaire, plus il comprend que le problème est profondément enraciné et qu’il ne peut compter que sur sa détermination.

Pour accentuer les difficultés du personnage, il faut remonter au début de l’intrigue, lorsque le jeune soldat coincé dans un tunnel est sauvé par le sergent Meserve (Sean Penn). Entre les deux, en dépit de cet événement, il n’y a jamais de vraie complicité, mais une certaine méfiance réciproque, une froideur qui va se cristalliser au moment où les choix de l’un s’opposent aux valeurs de l’autre. Sur le plateau, les deux acteurs se sont soigneusement évités, afin de maintenir à l’écran cette impression : d’un côté, le chef et sa cour, composée de recrues pas forcément très futées, qui applaudissent toutes ses décisions et ne les remettent jamais en question, en tout cas pas frontalement. Chaque personnage permet d’aborder un angle du problème traité. Par exemple, Diaz, le nouveau du groupe (John Leguizamo) incarne la soumission : il a beau n’en penser pas moins, il fait exactement tout ce que son chef lui demande sans discuter, préférant affronter le remords. De l’autre, le bleu, d’emblée considéré comme une voix qui ne compte pas du fait de sa récente arrivée. Ce qui les différencie, c’est à la fois leurs valeurs et leur comportement, mais aussi, comme on le découvre plus tard dans un face-à-face, leur vision de l’armée. Là où certains films de guerre rejettent la faute des barbaries commises sur la situation où les ordres de la hiérarchie, comme si les violences envers les civils étaient partie intégrante d’un conflit, des « dommages collatéraux » inévitables, Eriksson considère que « l’armée, ce n’est pas ça ». Contrairement à son sergent qui n’apprécie pas l’institution, quand bien même il en a bien assimilé les codes pour tenir son groupe sous son joug, le jeune homme laisse entendre à travers quelques répliques qu’il est arrivé sur le lieu des combats en pensant vraiment venir délivrer une population de ses oppresseurs. On peut constater son intérêt et une certaine sympathie pour la population civile dans la scène avec les enfants ou encore celle avec le riziculteur. Ce qui lui est renvoyé au visage, à travers le comportement de son groupe, c’est aussi le manque de sens de leur mission.

Esthétiquement, le film de guerre permet à De Palma de sortir l’artillerie pour des scènes de combat et d’explosions dynamiques et assez impressionnantes, avec une utilisation pertinente de sa chère technique de demi-bonnette qui met en lumière plusieurs événements se déroulant en même temps (en particulier lors des combats). On retrouve aussi son goût pour le voyeurisme avec l’arrivée dans le village en caméra subjective qui fait ressentir intimement le regard salace des hommes venus chercher une femme à violer. En dépit de l’horreur double racontée par ce film, celle des combats et des exactions commises en parallèle sur des civils par des militaires américains se croyant tout permis, le film ne termine pas d’une façon aussi sombre qu’on aurait pu s’y attendre et apporte même une forme de consolation et de réparation assez inattendue et qui paraît presque utopique.

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