« La Syndicaliste » :  je ne suis pas folle

Entrée chez Areva comme professeure d’anglais, Maureen Kearney est devenue leader syndicale CFDT. Au moment de la nomination d’un nouveau président du groupe, elle reçoit des informations d’un salarié d’EDF concernant un projet d’accord avec la Chine…

Après La Daronne, Jean-Paul Salomé ne quitte plus Isabelle Huppert, qu’il projette d’emblée en Maureen Kearney, dès qu’il découvre l’existence du livre de Caroline Michel-Aguirre, La Syndicaliste.

Le cinéaste avait en tête depuis un certain temps l’idée d’une fiction autour d’une lanceuse d’alerte, et s’était déjà intéressé à la figure d’Irène Frachon au moment du scandale du Médiator, bien que cette histoire ait finalement été portée au cinéma par Emmanuelle Bercot dans La Fille de Brest.

Il trouve dans le livre, et dans la rencontre avec sa protagoniste, matière à un thriller aussi bien politique que psychologique. Choisir Isabelle Huppert dans le rôle principal, c’est forcément dans l’esprit des spectateurs/trices réactiver l’écho du Elle de Verhoeven, et rajouter ainsi du trouble à ce personnage auquel la police puis la justice et les médias reprochent de ne pas constituer une victime parfaite. En deux volets, le long-métrage évoque d’abord le combat de la syndicaliste pour alerter la sphère politique sur le risque de démantèlement et de transfert de compétences lié au projet d’accord secret avec la Chine, puis celui qu’elle doit mener face aux institutions qui se sont retournées contre elle en l’accusant d’avoir imaginé son agression violente.

Dans les deux cas, ce qui frappe, c’est la solitude quasi complète de cette femme face à un milieu très largement masculin et patriarcal. Dans la première moitié, il semble qu’elle puisse compter sur le soutien d’Anne Lauvergeon (Marina Foïs), l’ancienne PDG du groupe, qui fait remarquer à propos de l’homme qui l’évince (Yvan Attal) : « Depuis quand on demande aux hommes d’avoir les compétences de leur poste ? ». Dans la deuxième moitié apparaît subrepticement un personnage de jeune gendarme incarnée par Aloïse Sauvage, mais dont la véritable Maureen Kearney tient à signaler qu’il s’agit d’un ajout pour la dramaturgie du film, quand dans la réalité elle s’est bien retrouvée seule au milieu d’hommes. Des hommes qui, du gendarme au médecin, tendent à ravaler les devoirs de leurs fonctions professionnelles derrière leur conviction ou leur sexisme, quand à l’inverse, la juge (Andréa Bescond) ne fait jouer aucune solidarité féminine pour appliquer son verdict qui s’appuie sur une enquête bâclée. Le seul personnage relativement positif tout du long du film reste celui du mari, qui bénéficie de la bonhomie de Grégory Gadebois.

Bien mené, assez sobre dans sa mise en scène, le film de Jean-Paul Salomé réussit à intéresser et tenir en haleine, et même à faire éprouver par moments l’angoisse pesant sur sa protagoniste à force de menaces permanentes. S’il cherche à marquer, il n’y a pas pour autant de volonté de provoquer un choc évitable sur les spectateurs/trices, notamment en choisissant de passer sous ellipse la scène de l’agression, et de n’y revenir que par des flashbacks en plans très courts, dont le montage alterné avec le présent du récit permet une forme de mise à distance. C’est ce qui évite au film de devenir traumatisant, malgré quelques moments glaçants tels que l’examen médical ou l’annonce de la garde à vue. La fiction remplit finalement plutôt bien son rôle, celui de faire connaître une affaire un peu tombée aux oubliettes, et de donner envie d’en savoir plus sur la réalité qui l’a inspirée, en espérant un jour peut-être que toute la lumière soit faite.

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