Matthias perd son travail après une altercation et rentre dans son village de Transylvanie, pour y découvrir que son fils a perdu la parole après un traumatisme, que son père est souffrant et que sa maîtresse a embauché des Sri-Lankais dans la boulangerie industrielle locale…
Six ans après Baccalauréat, Cristian Mungiu revient à la caméra avec une nouvelle auscultation de la société roumaine. Située juste avant la crise du Covid, son intrigue prend place en Transylvanie, une région montagneuse et forestière marquée par un multiculturalisme historique. Celui-ci se traduit par une pluralité de langues parlées par les personnages, qui transparaît par une diversité de couleurs dans les sous-titres. En effet, ce multilinguisme a son importance pour l’histoire puisqu’il reflète le thème principal de l’œuvre : la cohabitation entre personnes d’origines différentes.
Une cohabitation qui ne va pas sans heurts dès lors que surviennent de nouveaux arrivants. Il est beaucoup question du monde du travail dans ce film, et de l’impact du capitalisme mondialisé sur les déplacements de population. Sans que le réalisateur semble porter un jugement lui-même, on ne peut que constater un phénomène de vases communicants : les habitants du village vont pour la plupart chercher du travail dans d’autres pays, en particulier en Allemagne, afin de mieux gagner leur vie. De ce fait, la boulangerie industrielle ne parvient pas à recruter au salaire minimum, sauf à faire venir des travailleurs du Sri Lanka, pour lesquels la somme est toujours supérieure à ce qu’ils toucheraient chez eux.
L’arrivée des deux (puis trois) boulangers sri lankais provoque dans l’ensemble de la communauté une radicalisation d’un racisme jusqu’ici larvé et tu. Le film prend le temps de longs plans-séquences pour révéler les mécanismes de groupes qui contribuent à la montée d’un discours haineux et d’un sentiment d’impunité chez les plus extrémistes. Certaines scènes montrant le poids de la communauté religieuse dans l’effet de masse rappellent fortement une autre œuvre majeure de l’Est européen de ces dernières années, La communion.
Ce qui rajoute au film de la tension et évite le côté documentaire, c’est d’avoir mêlé une intrigue individuelle à ce sujet plus global. Le protagoniste, Matthias (Marin Grigore), portant en lui le mélange des cultures (il est à moitié allemand et à moitié gitan), se retrouve pris dans une querelle par laquelle il se sent moins concerné que par l’imbroglio familial dans lequel il s’est empêtré, entre son épouse avec laquelle les conflits sont permanents et sa maîtresse dont il ne saisit pas les goûts occidentaux ni le positionnement progressiste. On repère aussi une thématique sur le passage des générations avec une forme de transmission glauque entre le grand-père atteint d’une tumeur cérébrale et le petit-fils devenu mutique après un choc psychologique mystérieux dans la forêt. Un bois dans lequel semble rôder de nombreux animaux sauvages, au point qu’un Français a été envoyé par une ONG pour compter les ours.
La clé qui unit ces différents éléments, c’est ce titre, R.M.N. (I.R.M. en français) qui renvoie à la superficialité cérébrale des émotions telles que l’empathie et à la grande place occupée dans nos têtes par les instincts primaires. L’homme est toujours un loup pour l’homme, le constat est clairement mené mais amer.
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