Acid Rain – court-métrage européen – Grand prix du jury
Une fille qui voyage sac au dos rencontre un marginal qui l’emmène en camping-car à une rave party…
Parmi les courts-métrages européens en compétition, le jury a choisi de récompenser un court d’animation, ce que je trouve particulièrement intéressant d’un point de vue politique. Et certes l’animation du Polonais Tomek Popakul est remarquable au sens où elle a une vraie patte, un style de dessin très particulier, en 2D et au trait, avec quelque chose de très nerveux, presque brouillon dans le tracé, et une utilisation des couleurs saturées, qui semblent grésiller à l’écran comme un vieux poste cathodique déréglé. Les personnages sont presque en noir et blanc, avec juste un peu de rose aux jointures des phalanges et au bout du nez comme s’ils avaient froid. Mais ce détail assez mignon contraste avec leur faciès quasi difforme, leurs prunelles en spirale et leurs dents mal rangées. Dégingandés et carnassiers, les personnages nous entraînent dans un bad trip cauchemardesque où tout va de mal en pis, la drogue entraînant des effets visuels et sonores bousculant le spectateur, lui vrillant les tympans et agressant ses rétines. Certes le travail technique est qualitatif mais sur le fond le film se repose à mes yeux un peu trop sur ses effets, restant une expérience sensorielle forte plus qu’une intrigue prenante.
Oray – long-métrage européen – Grand prix du jury
Oray et sa femme Burcu se disputent. Sur le répondeur de ma jeune femme, son mari laisse un mot fatidique qui les contraint, selon les principes de l’islam, à se séparer quelque temps…
Je n’avais pas eu l’occasion de voir le film de Mehmet Akif Büyükatalay, projeté en début de festival. J’ai été assez surprise de le voir primé, car plusieurs de ceux que j’avais découverts me semblaient le mériter, en particulier Sans frapper et Psychobitch (qui a reçu le prix du public). Et même en l’ayant rattrapé, j’avoue rester perplexe face à ce choix. En effet, le film ne me paraît d’un point de vue cinématographique, en tout cas esthétique et technique, pas très exceptionnel. L’image s’accorde au fond pour être très sombre, au point parfois qu’on n’arrive pas bien à saisir ce qui se passe à l’écran. C’est parfois plutôt réussi, comme avec le feu d’artifice à la fin, parfois moins (la scène où Oray boit et chante).
Sur le fond, le réalisateur suit son personnage qui est de tous les plans, et nous donne à voir une chute prévisible. Très sombre dans l’humeur et pas seulement dans l’image, le long-métrage allemand a quelque chose de désespéré. Interrogeant les rapports entre sentiments et principes religieux à travers le cas d’Oray et Burcu, il devient surtout une réflexion sur l’emprise communautaire et le portrait d’un homme que sa colère et sa maladresse empêchent d’avancer dans la vie, en dépit de ses principes et de sa volonté. Oray a beau professer que la religion sauve de tout, et croire à la rédemption tant pour lui-même vis-à-vis de sa compagne que pour le jeune homme d’origine gitane comme lui qu’il prend sous son aile, il fait toujours les mauvais choix et retombe dans une situation toujours plus inextricable.
Si la réflexion peut-être philosophiquement intéressante, le manque d’empathie généré par ce personnage masculin qui dès l’ouverture persécute sa femme jusqu’à lui cracher dessus puis la harceler par téléphone, a de mon côté empêche toute forme d’émotion. Un film obscur et austère, qui manque à mes yeux d’audace esthétique et de cœur.
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