« In paradisum » : une fratrie dans la tragédie

couverture-livre-in-paradisumInquiet du silence de ses parents, Thomas se rend dans leur maison de Normandie et les découvre décédés d’une mort violente. Il prévient la police et ses sœurs Céliane, Camille et Pauline…

J’avais rencontré Isabelle Jarry il y a près de quatre ans lors d’une signature de Magique aujourd’hui, et c’est elle qui s’est souvenue de notre échange et m’a contactée pour prendre de mes nouvelles. Son mail est entré directement dans le top des choses les plus surprenantes et douces que ce blog m’ait donné de vivre.

J’avais très hâte de me plonger dans ce nouveau roman, car je garde de Magique aujourd’hui le souvenir d’un pavé extrêmement pertinent, bien écrit et prenant. Sans surprise, dès que j’ai entamé In paradisum j’ai été pareillement saisie par le talent de l’autrice. Sur plus de 400 pages, elle parvient à donner vie à des personnages d’une grande richesse et complexité psychologique, ce qui les rend aussi attachants que des personnages de série qu’on aurait eu le loisir d’apprendre à connaître durant plusieurs saisons. Tour à tour, nous suivons Thomas, l’homme blessé en reconversion, Camille, la rédactrice adultère, Pauline, la fleuriste polyamoureuse, et Céliane, l’architecte solitaire. Je me suis sentie proche d’eux tous mais en particulier de cette dernière, dont la détermination farouche associée à des crises de pessimisme m’a beaucoup touchée.

Sans entrer dans le détail, ce livre est arrivé dans ma vie à un moment particulièrement propice pour s’imprimer en moi (rassurez-vous, personne n’est mort récemment dans mon entourage). J’ai alterné des moments de lecture frénétique, désireuse de connaître la vérité sur la mort de Pierre et Clarisse et de voir comment leurs quatre enfants allaient avancer dans leurs vies personnelles, et des arrêts le nez en l’air, prise d’une profonde réflexion autour de phrases marquantes sur le passage à l’âge adulte, le rapport entre générations, la confrontation des idéaux et de la réalité.

Multipliant les personnages secondaires, qui parviennent tous en quelques phrases à prendre vie dans l’esprit des lecteurs/trices, le roman constitue une fresque nuancée, comme les compositions florales de Pauline. J’admire vraiment les écrivain(e)s qui arrivent à animer une galaxie aussi précise et importante de personnages sans qu’aucun ne soit réduit à l’état d’esquisse. Il faut un sens aigu du portrait et, je crois, une empathie peu commune, pour nous faire entrer dans les pensées de tant de personnes différentes (et sans jamais les juger).

Sans déflorer le suspens, je dois avouer que la fin du livre m’a un peu prise au dépourvue. J’avais vraiment envie de suivre encore les chemins des frère et sœurs, de les voir évoluer pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, de savoir quelles décisions il et elles allaient prendre concernant chaque aspect de leur vie. Je comprends bien que le livre les saisisse dans un moment dont l’horreur bouleverse tout, mais j’aimerais bien les retrouver plus tard pour savoir ce qu’ils sont devenus, un peu comme de vieux amis.

Trois questions à… Isabelle Jarry

 J’ai écrit à Isabelle Jarry pour lui faire part de mes impressions sur son roman et lui poser quelques questions, auxquelles elle a accepté de répondre rapidement.

  • D’où est venue l’idée de ce récit autour d’une double mort particulièrement atroce ?

Plusieurs personnages (Camille, Céliane) et plusieurs thématiques (la maison des eaux, le travail, la famille) retenaient mon attention depuis deux- trois ans : j’ai cherché à les réunir dans un seul roman en les liant d’une manière très forte. L’idée d’en faire des frères et sœurs m’est venue, et quasiment dans le même temps celle du drame qui ouvre le roman, en tant qu’élément tragique qui permet de saisir les personnages dans un même moment, unique et terrible.

  • Saviez-vous dès le départ jusqu’où vous emmèneriez vos quatre personnages principaux et quels éléments de résolution vous offririez ou non aux lecteurs/trices ?

Je ne savais rien au départ. En réalité les quatre personnages n’étaient là au début que pour former un cadre à une seconde histoire, celle de leurs parents, qui pour finir n’apparaît pas dans le roman. Le frère et ses sœurs ont pris tant d’importance et de présence que le récit qui devait donner les éléments de résolution du drame n’a plus trouvé sa place. Une fois écrit, je ne parvenais pas à l’insérer dans la trame du livre. Finalement, le secret non résolu m’a paru constituer un écho métaphorique plus fort aux trajectoires et aux quêtes des uns et des autres.

  • Les personnages sont très attachants et on aurait envie de savoir ce qu’ils deviennent plus tard. Peut-on espérer les retrouver dans un prochain récit ?

Je me suis également beaucoup attachée à eux et j’ai regretté, une fois le livre achevé, de ne pas avoir pu les développer davantage. Mais le roman faisait déjà plus de 400 pages. J’ai le projet de reprendre les membres de la fratrie, et de consacrer à chacun un roman. Ainsi devrait-on retrouver Thomas, Camille, Céliane et Pauline, dans leurs univers respectifs. Je pense que Thomas sera prêt le premier. Puis Céliane… Mais avec les personnages, on ne sait jamais ce qui peut arriver.

Un immense merci à Isabelle Jarry pour ses mots et sa bienveillance.

6 commentaires sur “« In paradisum » : une fratrie dans la tragédie

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  1. Je suis en train de lire ce roman. C’est un vrai régal ! J’adore l’analyse profonde des personnages. Par contre, je trouve injuste que l’autrice ne soit sur aucune liste de prix, n’est citée dans aucune émission radio…

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