« Colline 3 » : « la fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé »

colline0Oran, 1962, Samy, jeune professeur de lettres classiques, vient prendre son poste dans un lycée du centre-ville. Il découvre la guérilla entre OAS, forces armées et Arabes militant pour l’indépendance, mais aussi l’amour auprès de Rébecca…

Je l’ai sans doute déjà dit ici, je n’ai aucun goût pour la littérature de guerre. Abreuvée à l’école de romans et récits en tous genres sur la Seconde Guerre mondiale, j’en ai gardé une profonde aversion pour toutes les œuvres culturelles évoquant des batailles, des stratégies militaires et des personnages confrontés à la mort violente en masse.

Cependant, on m’avait vanté Colline 3, qui se déroule durant un conflit qui m’est bien plus étranger que les deux guerres mondiales : la guerre d’Algérie. Ne connaissant que très peu de choses sur cette période, j’ai pensé que cette lecture serait un bon moyen d’en apprendre davantage. Et puis, le prisme d’un jeune professeur de lettres ne pouvait être qu’intéressant. C’est vrai : découvrir la violence d’Oran en 1962 par les yeux du très sensible Samy permet d’en ressentir fortement l’impact mais aussi d’adopter un point de vue relativement neutre au début puisque le jeune homme ignore tout ou presque du conflit. Pas de préjugés donc, même s’il aurait sans doute pu être intéressant également de se placer dans la tête des radicaux de l’un ou de l’autre camp pour mieux saisir la colère qui les animait.

Ce gros pavé (473 pages) prend le temps de développer la topographie de la ville et des différents quartiers rivaux, dont les interactions sont maniées avec un certain sens du suspense. Le sentiment de l’urgence et du danger est bien rendu et l’on s’attend à chaque page à de nouveaux attentats et à de nouveaux décès.

Nul besoin de préciser que Colline 3 n’est pas une lecture joyeuse, même si la romance entre Samy et Rébecca allège par instants l’atmosphère. Personnellement, j’ai trouvé leur rapprochement trop soudain et passionné pour être crédible, et certains dialogues trop fleur bleue à mon goût. Il n’empêche que les deux jeunes gens restent plutôt sympathiques et que le lecteur préférerait que tout finisse bien pour eux, ce qui lui donne une motivation supplémentaire pour avaler les pages les plus complexes du récit.

En effet, celui-ci est très précis et documenté, et le grand nombre de personnages et les détails des intérêts stratégiques peuvent parfois échapper au novice. Le lecteur se perd parfois dans les rues d’Oran (un plan de la ville à l’époque aurait sans doute aidé) ou entre les nombreux interlocuteurs de Samy. Mais cela renforce l’atmosphère de confusion qui règne dans la vie des personnages en cette période de violence.

Si vous souhaitez vous plonger dans la vie des habitants d’Oran au temps de la guerre d’Algérie, ce livre instructif et bien mené vous apprendra plein de choses et vous révélera les atrocités de cette période. C’est presque une tragédie classique que nous offre Messaoud Benyoucef dans ce récit des jours les plus sombres d’une ville écrasée de lumière.

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