« 3000 ans à t’attendre », une histoire de magie, d’amour et de désir

En Turquie pour un colloque, Alithea, narratologue, se voit offrir un petit flacon en verre qui, lorsqu’elle le frotte pour le nettoyer, libère un djinn prêt à lui offrir trois vœux…

On n’aura pas attendu trois mille ans mais quand même cinq pour le nouveau film de George Miller après l’énorme succès de Mad Max Fury Road. Ce nouvel opus marquera-t-il lui aussi sa décennie ? Bien qu’extrêmement différent de son projet précédent, le film fait preuve également d’une grande ambition visuelle, mais aussi davantage narrative.

George Miller adapte une nouvelle des années 90 d’A.S. Byatt, et en tire un récit à tiroirs qui balaye quasiment toute l’histoire de l’humanité dans une ambiance qui n’est pas sans faire penser aux Mille et une nuits.

D’emblée, avec la voix off du personnage de Tilda Swinton, nous comprenons que la fiction va être le sujet même du récit, puisqu’elle se présente comme « narratologue » spécialiste des contes et de toute forme de récit autour de l’imaginaire et de la magie, un thème auquel elle a dévoué toute sa vie avec joie et qui s’assortit d’une faculté d’imagination puissante qui lui provoque des hallucinations visuelles.

Le prénom du personnage, Alithea, n’est évidemment pas anodin et rappelle le grec aletheia, qu’on pourrait traduire rapidement par vérité ou dévoilement, mais qui dans la philosophie de Parménide indique une parole performative et intemporelle, quelque chose qui transcende les hommes et donc touche à la magie. Cette narratrice est donc toute préparée à accueillir dans sa vie le surgissement d’une créature de conte, un djinn échappé d’un flacon de verre.

On peut regretter les effets numériques plus ou moins réussis et qui vont probablement mal vieillir, alors que l’ensemble des décors et des costumes en physique est par contre de grande qualité et restitue à merveille des ambiances orientales et historiques. On suit en tout cas avec plaisir et curiosité le récit du personnage d’Idris Elba, qui à travers ses différentes invocations évoque à la fois ses propres souvenirs et sentiments mais aussi les désirs qui agitent l’âme humaine. Qu’il s’agisse de celui du corps, du pouvoir, ou encore de la connaissance, ces désirs sont la raison même d’exister du djinn, qui ne peut trouver sa liberté qu’en exauçant les êtres humains qu’il rencontre. Tout l’intérêt est d’avoir mis sur sa route un personnage féminin absolument satisfait de son existence libre et solitaire. On en vient presque à regretter le retournement qui donne lieu à la dernière partie du long-métrage, même si celle-ci reste touchante et attachante. Quelque part, la résolution est presque un peu trop simple alors que le dilemme posé était intellectuellement passionnant. Peut-on s’abstraire du désir ? Et si oui, comment alors libéré le djinn de sa mission ? Voilà ce qu’on aurait peut-être aimé voir davantage creusé dans le long-métrage. À défaut, celui-ci reste un récit foisonnant est riche, dont l’imbrication est plutôt fluide et dont tous les segments sont de qualité, à la fois dans l’esthétique et dans les interprétations.

Après un film entièrement tourné dans le désert et dédié à l’action, dans lequel le dialogue était rare, Miller prouve qu’il est capable de l’inverse, un film dans lequel la parole est capitale et la voix nous guide à travers l’intrigue, dont le visuel est une illustration chatoyante certes mais presque accessoire pour la compréhension. Entre la magie et l’univers des contes qui peuvent faire penser à l’enfance et les thématiques de l’amour, du désir et de l’importance de la fiction, plus philosophiques, ce n’est pas si étonnant que le film peine à trouver son public, même si c’est paradoxalement cette confrontation qui le rend à la fois intéressant et accessible.

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