Jesse est à Paris pour une rencontre en librairie autour de son roman, inspiré de sa rencontre viennoise avec Céline. Il a la surprise de la voir apparaître et tous deux se promènent dans Paris en échangeant sur les neuf années écoulées…
Movie Challenge 2021 : un film avec des flashbacks
Neuf ans après le succès de Before Sunrise, l’acharnement des fans à demander au trio des nouvelles des personnages a payé : petit à petit l’idée a fait son chemin et Richard Linklater, Julie Delpy et Ethan Hawke ont réfléchi à l’avenir de Céline et Jesse pour nous l’offrir sur un plateau, dans un Paris fantasmé par les Américains qui ressemble à celui d’un Midnight in Paris. Le point de départ, c’est la librairie anglophone Shakespeare and co, où Jesse, désormais écrivain (n’oublions pas que son vrai prénom est James, en un hommage à Joyce), vient dédicacer son roman à succès, This time.
Le jeune homme a évolué, pris de l’assurance au gré du succès, mais face à la réapparition de Céline, on retrouve chez lui ce mélange d’esbroufe et de fascination qui le rendait attendrissant. Quoi qu’il en dise, elle a probablement davantage changé que lui : la jeune étudiante de la Sorbonne est passée par Sciences Po puis un séjour aux États-Unis et en est revenue porteuse de nouvelles convictions écologiques qui sont au cœur de sa profession. C’est sans doute elle qu’on aurait pu imaginer autrice, mais c’est pourtant lui qui a embrassé la carrière littéraire, s’appuyant sur leur brève rencontre pour son roman à succès. This time, ce moment rendu présent par le démonstratif, est en effet toujours vivant dans l’esprit des deux personnages, comme le prouvent de rapides et discrets flashbacks, qui se mêlent aux retrouvailles, renouant les époques et à travers elles le lien interrompu. Comme à Vienne, où elle était déjà venue enfant, Céline guide Jesse dans les rues en bord de Seine, selon un itinéraire totalement fantaisiste où l’on passe de la coulée verte à Notre-Dame en un claquement de doigts.
Dans ce Paris fantasmé, c’est leur relation qui l’est aussi, au gré des souvenirs aussi incertains pour les spectateurs/trices que pour les personnages (ont-ils fait l’amour dans le parc viennois ?), mais aussi de l’empreinte indélébile que cette brève expérience a laissé dans la vie de chacun(e). Céline et Jesse ne sont plus des étrangers/ères qui peuvent tout se dire puisque le lendemain va les séparer, et leur conversation est davantage pavée par la volonté de paraître : d’abord comme des adultes accomplis, qui ont tracé leur chemin et sont satisfait(e)s de leurs choix de vie, puis comme correspondant encore à ce qui avait pu les charmer respectivement lors de leur première rencontre. C’est en voiture que les masques tombent et que les réalités pas toujours aussi roses et assumées de la vie des trentenaires font surface.
Une fois encore, l’écriture est brillante, dans la vivacité des retournements émotionnels des personnages confrontés à une situation si particulière et intense, mais aussi dans ce que leurs trajectoires disent de la difficulté à devenir adulte, des choix qui sont des renoncements ou des impasses, des déceptions que la vraie vie et les personnes opposent aux idéaux de jeunesse. Plus cyniques et désabusés, davantage sur la défensive, Céline et Jesse ne sont plus ces jeunes gens pleins de passion pour qui l’aventure valait bien les conséquences. Les séquelles de la flambée émotionnelle d’une rencontre, l’un comme l’autre ne les mesurent que trop, et l’enjeu en devient d’autant plus capital. Face à nos attentes, plus encore que dans le premier opus, le trio choisit une forme de dérobade, une manière de nous laisser croire ce que nous voulons, de nous donner à imaginer entre les images le passé et l’avenir des personnages, qui font désormais partie de nos vies.
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