« Amour suite et fins » : boson de Higgs VS Goethe

amour suite et finsVincent, professeur de lettres à la Sorbonne, et Vera, chercheuse en physique quantique, se séparent régulièrement depuis leur rencontre, sept ans plus tôt. Mais toujours ils se rappellent, tentant d’expliquer l’échec de leur couple comme celui de leur rupture… 

C’est encore un drôle de livre qui paraît chez Alma sous le titre Amour suite et fins. Pas tant humoristique qu’étonnant, surprenant le lecteur qui, à la vue de la couverture, aurait pu s’attendre à un banal roman d’amour. Or ce n’en est pas un, car Vincent et Vera ne sont pas de jeunes idéalistes qui auraient accroché un énième cadenas sur le pont des Arts. Est-ce même un roman ? Cette suite de chapitres courts et thématiques, retraçant les aléas d’une relation essentiellement virtuelle, est présentée par son auteur Michel Schneider comme un « conte postmoderne ».

En effet, l’intrigue est plutôt mince, sans réels rebondissements, et les personnages deux silhouettes à peine esquissées dont on ne saura que les titres de leurs chansons préférées, leurs tics de langage, et des segments éparpillés de leur histoire. Vera et Vincent sont au fond les avatars d’une génération où l’on ne peut plus croire à l’amour toujours sans se résigner tout à faire à perdre l’espoir de le vivre.

En résulte un tiraillement permanent entre deux situations qui exercent sur les protagonistes une sorte d’attraction magnétique : être ou ne pas être ensemble. Et c’est là que la réflexion intervient. Car s’il y a une manière de caractériser Vincent et Vera, pour aussi insaisissables qu’ils puissent être pour le lecteur, c’est bien de dire que ce sont des intellectuels. Au lieu de vivre leur histoire (ou leur non-histoire !), ils s’acharnent à la décrire, à l’expliciter, à la disséquer. Ce qui se déroule sous les yeux du lecteur, c’est le cadavre éviscéré de leur amour agonisant, autopsié via leurs disciplines respectives. Vincent, le cynique littéraire, rêve que leur relation lui offre matière à un roman, alors que Vera, la physicienne romantique malgré elle, s’attelle à une démonstration scientifique de la non-séparabilité.

On l’aura compris, ce livre est tout sauf une bluette facile à lire et à oublier. Amour suite et fins tient finalement presque plus de l’essai que du roman et nécessite une certaine concentration si l’on veut réussir à suivre non seulement les théories de physique quantique, mais même le fil des événements entre les deux personnages. Mais peut-être que l’ordre importe peu, l’histoire se répétant sans cesse. Ce qui compte, c’est plutôt de réussir à entrer dans le style du narrateur à la fois froidement scientifique et amateur de jeux sur les mots. Pourtant l’idée de confronter physique et littérature comme tentatives d’expliquer les relations amoureuses postmodernes est intéressante, et, à ma connaissance, novatrice. Une œuvre intelligente, donc, qui mérite qu’on s’acharne sur les passages un peu obscurs, mais à laquelle manque peut-être un peu de souffle romanesque pour faire passer plus aisément auprès d’un large public les idées qu’elle déploie.

3 commentaires sur “« Amour suite et fins » : boson de Higgs VS Goethe

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  1. Bonne critique. J’ai bien aimé la vision du monde par ces deux prismes bien différents. Thème universel de la complémentarité.

  2. La seule qui aime c’est Vera. Vincent n’est qu’un vulgaire macho. Michel Schneider, un homme, laisse-t-il le beau rôle à la femme ou ne se rend-il même pas compte?

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