Cannes 2024 – Les Reines du drame, Armand, Le Procès du chien

Les Reines du drame – Semaine de la critique

Les Reines du drame Queens of Drama | Semaine de la Critique du Festival de  Cannes

Mimi Madamour, candidate d’un télé-crochet populaire, a le coup de foudre pour Billie Kohler. Mais entre la nouvelle idole pop et la punkette, l’idylle passionnée est jalonnée de crises… 

Après De la terreur (mes sœurs), son court remarqué, Alexis Langlois passe au long avec un revival des années 2000-2010. Son narrateur, Bilal Hassani grimé en vieille gloire de YouTube, bourré d’auto-dérision dans le rôle ingrat du fan hardcore, raconte l’histoire de son idole Mimi Madamour, participante d’un télé-crochet parodiant Nouvelle Star. L’intrigue amoureuse entre deux aspirantes chanteuses de milieux sociaux et musicaux différents (Louisa Aura et Gio Ventura, deux révélations charismatiques) est un concentré de drama, entre passion dévorante ultra-sexualisée sans jamais montrer l’acte en lui-même, et crises de couple récurrentes où le moindre prétexte fait partir les conversations en vrille. 

Plein d’une énergie débordante, le film en met plein la vue avec son inventivité visuelle et ses références drolatiques, mais gare aux épileptiques et aux tympans fragiles, car l’œuvre n’a jamais peur d’en faire trop dans les flashs et les cris. Musicalement, les chansons oscillent entre le punk queer énervé de Billie et son groupe Fente (qui permet de retrouver le personnage de Kalthoum du court-métrage) et la pop standardisé de Mimi, sorte de copycat de Lorie ou Priscilla. C’est un peu fatigant et désordonné, généreux jusqu’à l’overdose, mais fun comme un Haribo qui pique, et sur le fond, on interroge aussi bien l’homophobie (parfois intériorisée) que les dangers du star-system, le rapport aux fans, l’influence et les conséquences des choix de vie et de carrière. Le film ferait une Queer Palm évidente, et trouverait sa place sans souci au programme de Chéries-Chéris tant il transpire le lesbianisme et la queerness. Et tant mieux, car on manque encore de représentations communautaires audacieuses et radicales. 

Armand – Un certain regard

Cannes 2024 : on a vu le choc Armand, huis clos anxiogène flirtant avec le  film de fantômes

Elizabeth est convoquée par l’institutrice de son fils Armand : celui-ci est accusé par un camarade de l’avoir molesté dans les toilettes…

Halfdan Ullmann Tøndel, le petit-fils de Liv Ulmann et Ingmar Bergman s’essaie à la réalisation de long-métrage avec Armand, qui coche les cases à la fois du film scolaire et du film où tout part en vrille. La convocation par l’institutrice d’un couple de parents en apparence sans histoire, et d’une mère célibataire actrice à succès, semble dès la préparation de l’entrevue avec la direction vouée à se compliquer. Dans le huis clos de l’école presque vide en cette veille de vacances d’été, la touffeur fait saigner du nez l’une des membres du personnel éducatif, et met à vif les nerfs d’Elizabeth (Renate Reinsve). Ce personnage, écrit pour que les autres puissent douter de sa vulnérabilité et de sa sincérité (après tout, c’est une actrice), impose à la comédienne de Julie (en 12 chapitres) un surjeu constant dont le côté exaspérant culmine avec la scène du fou rire. 

Déjà vue dix fois, la confrontation entre adultes sur la base d’un problème entre leurs enfants suit des chemins tout à fait balisés dans son déroulement. Pas vraiment de surprise au rendez-vous, hormis la scène de danse avec l’agent d’entretien. Mais une mise en scène qui tire un bon parti des espaces disponibles. C’est un peu mince. On préfère sur un sujet similaire le très réussi La Salle des profs.

Le Procès du chien – Un certain regard

Le Procès du chien, le regard de Lætitia Dosch - Festival de Cannes

Une avocate spécialisée dans les causes perdues accepte de défendre un homme et son chien. Celui-ci a défiguré une femme en la mordant au visage et risque l’euthanasie…

Laëtitia Dosch retourne en Suisse pour passer derrière la caméra. Et s’inspire d’une histoire vraie pour livrer un film à son image, perché, dynamique et généreux. Elle s’octroie le rôle de la narratrice, sans qu’on puisse vraiment parler de rôle principal tant celui-ci semble dévolu à Kodi, l’interprète de Cosmos, le fameux chien du titre. L’animal au regard tragique est sur la sellette, au grand dam de son maître (François Damiens, qui accepte de se faire voler la vedette par le canidé). Et pour avoir été émue par leur duo, Avril se retrouve face à des situations rocambolesques, la comédie étant bien présente dans la tonalité du film, sans temps mort, mais aussi confrontée à des questionnements politiques, sociaux et philosophiques. Parmi toutes les trouvailles dont la cinéaste fait preuve, certaines sont plus marquantes que d’autres, mais c’est l’accumulation qui fait le charme de l’œuvre, et nous surprend en abordant des thématiques assez inévitables vu le sujet (le statut juridique des animaux), mais aussi d’autres moins attendues, telles que les violences domestiques, la condition féminine, le rapport de l’humain à son environnement… C’est parfois dans des scènes de vie quotidienne sans grand rapport avec le sujet premier que le film se révèle pertinent et novateur, comme quand un dragueur poli éconduit l’accepte avec le sourire et sans véhémence. Mine de rien, Laetitia Dosch a sa façon de renouveler les codes, du film de procès, avec ce décor coloré, la place du chien sur le côté, une alternance avec des scènes en extérieur, l’épreuve judiciaire semblant s’étaler pendant des jours, et permettant d’avancer en parallèle les arcs narratifs des différents personnages, mais aussi de la romance ou de la chronique de voisinage. Emmené par son interprète canin, l’ensemble du casting se révèle, avec notamment un Jean-Pascal Zadi touchant dans la douceur, qui contribue à l’une des scènes les plus émouvantes du film, qui réécrit le topos de la chanson en voiture. L’amusement manifeste ne doit pas faire oublier la violence sociale sous-jacente, celle de l’animal qui se sent acculé, impressionnant dans la scène forestière (qu’on lui donne la Palm Dog !), mais aussi celle d’humains trop habitués à leur statut de « maîtres et possesseurs » de la nature. On s’attendait à rire, moins à réfléchir et à pleurer. On attendra donc la suite des réalisations de Laetitia Dosch avec l’impatience d’un chiot avant la promenade.

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