« Marcello Mio » : dans la peau de son père

Lors d’un casting, Chiara s’entend dire qu’elle devrait jouer « plus Mastroianni que Deneuve ». Justement, elle trouve qu’elle a la tête de son père ces temps-ci…

Après Guermantes, qui nous plongeait dans les coulisses de la troupe de la Comédie-Française, puis Le Lycéen, qui évoquait les souvenirs de son adolescence et de la disparition de son père, Christophe Honoré trouve avec Marcello Mio une forme de synthèse : un film de fantôme autour d’une figure paternelle disparue dans l’une des grandes familles du cinéma français, qui lui permet de mettre en scène ce petit entre-soi parisien. D’aucuns l’ont formulé comme un reproche, y voyant la limite d’un cinéma français incapable de sortir de son  petit milieu bobo. Mais il faut y voir le choix d’un sujet conscient : à l’heure où l’on a remplacé ce terme par celui de nepo baby, qu’est-ce qu’être une « fille de » ? Ces acteurs et actrices, enfants de la balle, que l’on envie pour le carnet d’adresse de leurs parents qui leur permet de percer plus vite dans le milieu, que font-ils et elles de cet héritage ? En choisissant comme protagoniste Chiara Mastroianni, qui a tout de même une longue carrière derrière elle et notamment chez Christophe Honoré lui-même (Les Bien-Aimés reste un de ses plus beaux rôles), le cinéaste choisit volontairement de montrer que ces problématiques ne s’atténuent ni avec l’âge ni avec le succès. Impossible d’échapper au nom qu’elle porte et à la ressemblance physique évidente. 

Alors Chiara choisit d’aller jusqu’au bout et, pour un temps du moins, de devenir Marcello. Numéro d’actrice ou film de fantôme, le film flotte entre les deux et trouve son comique dans les réactions de l’entourage plus ou moins complaisant ou sidéré, qui finit par unanimement entrer dans le délire et faire revivre Marcello le temps d’une parenthèse. Comme dans un épisode de Dix pour cent, les grands noms du cinéma jouent avec leur image et incarnent une version d’eux-mêmes à l’écran. Luchini devient cet homme marié qui se plaint de manquer d’amis masculins dans le métier, et serait prêt à rendre tous les services pour s’attirer la sympathie de son idole. Biolay et Poupaud se regardent à moitié en chien de faïence comme des rivaux, à moitié avec la camaraderie d’avoir été partenaires de la même femme, avant que l’eau coule sous les ponts. 

Faisant fi du réalisme quasiment dès l’ouverture avec ce plan fantomatique dans le miroir, le scénario d’Honoré tire du côté de la fable et du théâtre, faisant d’un petit cocker un deus ex machina, et de son final une assemblée façon comédie de Molière : peu importe comment les personnages sont rassemblés et s’ils ont vraiment une raison de l’être, autre que celle du plaisir des spectateurs/trices de voir Catherine Deneuve jouer au volley, sous le soleil de l’Italie.

Comme toujours chez Honoré, comme souvent autrefois au théâtre, l’intrigue est entrecoupée de séquences chantées, qui viennent permettre aux personnages d’exprimer les émotions qui les dépassent. De la bande-son signée Alex Beaupain, comme toujours parfaitement adéquate, au choix des musiques additionnelles, Biolay, Eros Ramazzotti, « Words » de F.R. David, la musique est un des plaisirs du film, et pas le moindre.

Sur le fond, Honoré est plus proche de Shakespeare que de Molière avec cette œuvre qui invite à déployer son imagination, à accepter la présence des fantômes dans nos vies, à s’y confronter malgré les dangers de la folie ou de la perte d’identité. 

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