Cannes 2024 – Good One, Blue Sun Palace, Château Rouge

Good One – Quinzaine des cinéastes

Sam et son père partent en randonnée pour un weekend dans la forêt avec le meilleur ami de celui-ci. Mais les deux hommes ont deux approches bien différentes de ce loisir qui créent quelques tensions…

Pour son premier long-métrage, India Donaldson se donne des airs de Leave no trace avec ce tandem Père-fille dans la forêt. Mais ici, il y a un troisième larron, et camper n’est pas une question de survie, simplement une parenthèse. On pourrait avoir l’impression que le film ne raconte pas grand-chose, tant il se présente comme très matériel, quotidien et concret, presque un petit guide du parfait campeur où l’on voit comment bien ranger son sac à dos de manière organisée, comment monter sa tente rapidement et de façon à ce qu’elle tienne, comment cuisiner au réchaud… Mais tous ces éléments d’une apparence banale sont en fait l’occasion d’ancrer concrètement les problématiques qui sous-tendent les relations entre les personnages. La tension entre les deux hommes, pourtant amis naît de leurs différences de fonctionnement et de caractère qui se matérialisent dans leur opposition face à la randonnée, que l’un prend beaucoup plus au sérieux et à cœur que l’autre. On apprécie particulièrement l’écriture du personnage de Sam et son interprétation par Lili Collias, jeune recrue très convaincante. Il y a quelque chose de discrètement féministe à montrer une jeune fille gérer le fait d’avoir ses règles dans la forêt, et une forme de maturité émotionnelle chez le personnage qui doit se débrouiller de ce qui s’apparente de plus en plus à un conflit primaire entre les deux mâles. Au fond, le sujet est peut-être plus profondément la relation père-fille, qu’un weekend en pleine nature ne suffira pas à réparer.

Blue Sun Palace – Semaine de la critique

Didi et Amy travaillent dans un salon de massage du Queens. La première rencontre un autre travailleur immigré taiwanais, avec lequel elle entame une romance, lorsqu’un événement violent et inattendu survient…

Difficile de résumer le film de Constance Tsang sans dévoiler l’élément déclencheur du film, qui survient au bout d’une grosse demi-heure de celui-ci, donnant lieu à l’apparition du titre et du générique. Tout ce qui a lieu avant apparaît comme une forme de parenthèse, dans laquelle nous sommes plongé(e)s in medias res, donnant presque l’impression de prendre le film en cours de route. La réalisatrice et sa monteuse Caitlin Carr composent ainsi une forme de chronique quotidienne de la vie des travailleurs/euses chinois(es) immigré(e)s aux États-Unis dans laquelle  nous sommes jeté(e)s tout à trac. Il y a dans ce montage une forme de brutalité de l’existence, qui semble mettre les êtres en présence les uns des autres par accident et dissoudre les liens de la même manière. Avec cela contraste la tonalité des échanges, souvent dans la retenue et la douceur et une forme d’ancrage dans le présent qui cherche de la joie partout où elle peut l’agripper : dans un bon plat partagé, dans un titre chanté ensemble au karaoké, dans une danse improvisée dans une galerie marchande… Cet état d’esprit est une façon de conjurer l’exil, toute la vie qu’on a laissée derrière soi, parfois une famille, la solitude existentielle dans un pays qui n’est pas le sien, qui nimbée des éclairages souvent bleutés, rappelle furieusement Lost in translation. Mais Blue Sun Palace est aussi un film de deuil, et le récit tout en délicatesse des petites laideurs humaines avec lesquelles chacun et chacune tente de composer, dans son travail comme dans sa vie privée. Peut-on trouver compensation à ce qu’on a perdu ? Quelle sincérité peut-il y avoir entre des êtres trimbalant des vides à combler ? Constance Tsang et son impeccable casting vivent les questions plus qu’elles et il n’apportent de réponses.

Château Rouge – ACID

Dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, près du métro Château-Rouge, des collégien(ne)s guidé(e)s tant bien que mal par les professeur(e)s et tout le personnel éducatif tentent de se mettre au travail et de trouver leur voie pour l’avenir…

La documentariste Hélène Milano a de la suite dans les idées : après Les Roses noires qui s’intéressait à trois adolescentes, puis Les Charbons ardents, pendant masculin de celui-ci, Château Rouge représente une forme de synthèse. Un film dans lequel garçons et filles se croisent au collège, dans le quartier de Château Rouge (la couleur du titre fait bien sûr référence à la station de métro du coin, mais évoque aussi une nuance correspondant à l’évocation des roses et du feu des films précédents). En suivant le quotidien des jeunes dans les salles de classe, mais aussi en les interrogeant régulièrement face caméra, le film s’inscrit dans la veine des documentaires scolaires récents tel que la série Rêves. Le documentaire scolaire est devenu un genre à part entière et celui-ci ne se démarque pas particulièrement du lot, même si les adolescent(e)s sont attachant(e)s, leurs préoccupations à la fois universelles et contemporaines, et l’accent mis sur l’importance des choix d’orientation à cet âge. À voir pour les aficionados du genre du film scolaire.

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