Champs-Élysées Film Festival 2024 – Le Cœur qui bat

Quand il était à l’école maternelle, Vincent Delerm n’avait d’yeux que pour Mathilde, une petite fille qui courait partout. Il l’a retrouvée bien plus tard : elle avait fait des études de sport et vivait avec une fille. Elle, comme des proches mais aussi des inconnus, lui parle du sentiment amoureux…

Avec son deuxième long-métrage après Je ne sais pas si c’est tout le monde, Vincent Delerm continue dans la même veine et prouve qu’au fond, malgré une parole modeste qui dit travailler de façon artisanale, filmant beaucoup seul, toujours avec un même objectif, et composant parfois avec les ratés, les accidents, les aléas de ce mode de fonctionnement, il sait très bien quel cinéaste il veut être. Car on retrouve dans ce deuxième film complètement l’ADN du premier, cette succession de témoignages de personnes de toutes les générations, chacune captée dans son environnement propre, avec une façon de s’adapter au sujet, passant de la couleur au noir et blanc, mais aussi par moment des séquences musicales, sans parole, ou des voix off qui se déploient sur des paysages qui a priori n’ont rien à voir, une forme de collage qui combine de la réflexion, de la poésie, de l’art, des arts, car on trouve parmi les personnes interrogées ici des musiciens, parolier, danseur, une artiste peintre… On a également droit à des séquences dansées et à une chanson écrite par Vincent Delerm mais dont il met les paroles dans la bouche de Suzanne Lindon.

Ce qui n’est sans doute pas complètement un hasard d’ailleurs, car dans l’ensemble de ce patchwork de témoignages sur le sentiment amoureux, elle est peut-être celle dont la position correspond de plus près à celle du cinéaste lui-même. Une vision de l’amour comme alpha et oméga, comme objet absolu de la quête du sens de la vie. Vincent Delerm lui-même ne nie pas avoir du plus loin qu’il s’en souvienne toujours été un peu obsédé par l’amour, objet central de son travail artistique. C’est pourquoi, son film est centré exclusivement sur l’amour romantique, lui-même se décrivant plus jeune comme correspondant à l’archétype de l’adolescent romantique. N’est pas abordé ici l’amour entre parents et enfants ou entre frère et sœur, ni même celui que l’on peut éprouver pour ses amis. C’est la ligne directrice du projet et en même temps peut-être un peu sa limite : en ne cherchant aucunement l’exhaustivité et en se contentant des personnes que la vie place sur son chemin, le réalisateur est confronté à beaucoup de gens qui ont une vision tout aussi valorisante que la sienne de l’amour romantique, souvent corrélée à l’idée du couple. Seuls deux témoignages divergent quelque peu, celui d’un jeune homme traumatisé par l’éloignement avec sa sœur qui craint de s’attacher à une autre femme et de souffrir à nouveau, et le regard d’une jeune femme qui se  présente comme féministe et, nourrisepar des lectures, podcasts et conversations avec son entourage, s’interroge sur le fait d’être la seule en couple dans son cercle. On aurait pu espérer peut-être une ouverture soit à des façons de vivre l’amour autre que le couple classique (trouple, relations ouvertes, polyamour…) soit à l’aromantisme. 

Une fois ce cadre posé, le film sait émouvoir à travers la variété des profils et la diversité des façons d’entrer dans le sujet : par le prisme d’un couple dont on ne fait pas partie (l’adolescente évoquant par le biais d’une photo le couple parental), l’évocation d’une relation passée marquante, par exemple comme révélateur d’une orientation sexuelle, de l’état amoureux tel que ressenti physiquement, d’un amour qui a duré presque toute une vie, du deuil de l’amour… Et Vincent Delerm lui-même, comme des interludes, vient raconter, en voix off ou à l’écrit, des moments, des éléments, de son propre rapport à l’amour, à travers le couple formé par ses parents, ses premiers souvenirs romantiques de jeunesse, ou encore sa relation avec la mère de ses enfants, présentant même quelques images de leur mariage. De l’ouverture, où il court seul dans la neige, à la clôture, où son fils le filme marchant dans la poudreuse main dans la main avec son épouse, le film retrace la vision d’un amoureux de l’amour qui semble parvenu à achever sa quête, celle de la grande histoire qui fait battre le cœur de façon durable et fournit la source inespérable inépuisable d’inspiration non seulement à ses chansons mais désormais aussi à son travail de cinéaste. 

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