Qu’est-ce qui fait de nous qui nous sommes ? Comment comprendre la singularité et la vie intérieure des autres ? Pourquoi chercher du sens à nos vies ? Peut-on retenir le temps qui passe ?…
Je ne vous redirai pas combien Vincent Delerm est un artiste qui a compté dans mon parcours musical (et dans mon parcours tout court en fait), j’en ai déjà largement parlé à propos de l’album À présent.
J’attendais depuis longtemps ses débuts de cinéaste, ayant entendu parler du projet depuis plusieurs années (et en effet il a fallu 4 ans pour que le film aboutisse). Je me demandais à quoi aller ressembler un film d’un artiste dont chaque album écrit une histoire par petites touches, par moments de vie juxtaposés.
Et ma foi s’il est très difficile de parler du film en lui rendant justice tant il s’agit d’un OVNI, je dois dire qu’il est néanmoins tout à fait conforme à ce qu’on pouvait attendre de Vincent Delerm.
Sous ce titre, Je ne sais pas si c’est tout le monde, tiré d’une citation de Marguerite Duras, se révèle une volonté « de n’exclure ni les autres ni soi-même », comme il l’a expliqué après la projection à laquelle j’ai eu la chance d’assister. Cette exploration de la condition humaine, qui part souvent de l’enfance, des lieux des origines, des souvenirs de jeunesse, c’est à la fois un portrait croisé de plusieurs personnalités de l’entourage du chanteur et un autoportrait, en creux car il apparaît très peu lui-même dans le film.
Hybride entre fiction et documentaire, le film s’est construit en deux étapes : une première relativement classique, avec un scénario écrit, une équipe de tournage, des textes écrits par Vincent Delerm, lus par des personnalités comme Jean Rochefort (dont le film révèle le tout dernier plan de cinéma, très émouvant) ou Aloïse Sauvage, et une deuxième plus spontanée, avec des conversations enregistrées avec un matériel léger et des scènes de vie prises sur le vif avec une petite caméra, comme ces jeunes gens heureux de la victoire de la France lors de la dernière Coupe du Monde de foot masculin.
Malgré tout, les éléments des deux époques du film s’entremêlent sans que cela ne heurte les spectateurs/trices, qui se laissent porter d’une séquence à l’autre, se demandant ce qui va suivre. Les images sont belles, dans un genre contemplatif, avec des lumières souvent mélancoliques. Mais ce qui compte, explique Vincent Delerm, « c’est le fond du témoignage », ce qu’il a eu envie de faire raconter d’eux les gens qui apparaissent dans le film, et dont les mots dessinent une image de la vie des Français d’aujourd’hui, entre les terrains de foot, les établissements scolaires, les villes nouvelles, les usines, les amours, les amitiés, les souvenirs qu’on se crée et qu’on oublie, les enfants qu’on regarde grandir. Et la musique, qui toujours accompagne les mots et les images, avec discrétion parfois, et de temps en temps en chanson (on retrouve d’ailleurs des titres d’À présent, et d’autres de Panorama, l’album paru vendredi dernier). Finalement, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un musicien envisage le cinéma davantage comme un art sonore que visuel, et tienne absolument à penser son film pour l’expérience de la salle, le comparant à un spectacle vivant. Au sortir du film, on a l’impression d’avoir été sollicité(e)s pour relier les éléments qui nous ont été présentés, les compléter de nos réflexions et expériences personnelles, d’avoir quelque part fait partie du film par ce qu’il a fait naître en nous. Je ne sais pas si c’est tout le monde, mais moi, j’ai eu l’impression de vivre une vraie belle expérience de cinéma.
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