Cannes 2024 – September Says, Maria

September Says – Un certain regard

September Says, le regard d'Ariane Labed - Festival de Cannes

September et July sont sœurs et s’entraident en apparence face aux moqueries que July subit au lycée. Mais leur jeu façon Jacques a dit vire peu à peu à l’emprise…

Parfois comparé à du Stephen King, le roman de Daisy Johnson Sisters trouve son adaptation au cinéma grâce au passage derrière la caméra de l’actrice Ariane Labed. Celle-ci s’entoure d’une équipe en grande majorité féminine pour composer une œuvre bizarre, complexe et dérangeante. D’emblée, la famille de September et July semble fort singulière, le film s’ouvrant sur un shooting photo réalisé par leur mère qui les déguise comme les petites filles de Shining. Une façon de présenter comme des jumelles les deux adolescentes qui ont en réalité à peine un an d’écart. L’aînée, September, tente de protéger la plus jeune, July, du regard des autres et des moqueries qu’elle subit en raison d’un comportement particulier qui pourrait faire penser à un fonctionnement neuroatypique, sans que jamais le film ne vienne expliciter réellement cette singularité. Mais au-delà de ce rôle de protection, la relation des deux sœurs est d’emblée trouble, caractérisée notamment par les petits surnoms que l’aînée donne à sa cadette (« Silly July », « July bug », traduits de la même façon en français par « Julie bébête »), et par ce jeu de Jacques a dit où September profite de son ascendant pour faire faire à sa sœur tout et n’importe quoi, et de plus en plus n’importe quoi d’ailleurs.

Petit à petit, la bizarrerie semble tout contaminer, à la fois leur mère jusque dans cette scène de danse cathartique (qui n’est pas sans rappeler celle d’Emma Stone dans Kinds of Kindness), ou dans ses rapports aux hommes, et même les lieux tels que la maison de la grand-mère où la famille vient trouver refuge après l’explosion du harcèlement envers July suite à un nude envoyé à un camarade.

À la fois chronique adolescente explorant les relations de proximité, d’amour et de jalousie entre les deux jeunes filles et leur développement différent face à la naissance du désir, et film de genre mêlant de façon parfois difficile à suivre la réalité et des sortes de flashs et de visions comme celle des lémuriens dans la cuisine, le film a quelque chose qui reste en tête dans son ambiance de plus en plus angoissante, et réussit pendant longtemps à garder mystérieux l’événement qui constitue la clé de lecture de toute sa deuxième partie. Il reste quand même un peu inégal et peut-être légèrement trop cruel pour qu’on s’attache vraiment à ses protagonistes, nuisant au surgissement d’émotions qu’on aurait pu s’attendre à éprouver à la fin. Mais son ton et son esthétique sont suffisamment recherchés pour imprimer un souvenir persistant et l’envie de voir la réalisatrice se confronter à d’autres histoires.

Maria – Cannes première

Cannes : “Maria”, l'hommage sensible de Jessica Palud à Maria Schneider

Fille de l’acteur à succès Daniel Gélin, Maria Schneider le rencontre contre l’avis de sa mère et décide de devenir elle aussi actrice. Encore mineure, elle est choisie par Bertolucci pour tenir le rôle principal du Dernier Tango à Paris…

Après Revenir, Jessica Palud se spécialise dans les adaptations et choisit le livre de Vanessa Schneider, Tu t’appelais Maria Schneider, du nom de sa cousine. Celle-ci apparaît à l’écran sous les traits d’Anamaria Vartolomei, qui comme son personnage a connu très jeune les plateaux de cinéma. On ne peut pas dire que le film mise sur une ressemblance physique de son casting avec les personnes réelles incarnées, car ni l’actrice ni Matt Dillon en Brandon ne sont vraiment similaires visuellement mais plutôt sur une force, une intensité de la prestation. Après L’Événement, la révélation prouve a nouveau sa capacité à bouleverser avec un mélange de détermination et de fragilité qui convient bien au personnage. Maria apparaît à la fois comme une enfant brisée, par le viol subi sur le tournage du Dernier Tango à Paris, mais aussi sans doute par une enfance ballottée entre un père acteur qu’elle ne rencontre que tardivement et une mère volontiers méchante et violente. Elle devient par ailleurs une jeune femme décidée qui dit ce qu’elle pense aux journalistes et choisit des rôles qui l’éloigne délibérément de son traumatisme, refusant la nudité quand elle lui semble injustifiée (la scène où elle refuse sur un plateau de retourner « sans le haut » est l’une des meilleures du long-métrage). Ce qui manque un peu, c’est de voir Maria à l’œuvre. Hormis cette scène et tout le début sur le tournage du Bertolucci, on ne la voit pas jouer, on n’évoque sa filmographie que lorsqu’elle cite des titres de films ou noms de réalisateurs en interview. On aurait aimé que le film ne se concentre pas que sur sa descente aux enfers avec la drogue, mais montre aussi ce que furent ses expériences professionnelles avec Rivette ou Antonioni. Car en donnant l’impression que le Dernier Tango était son premier rôle (elle est en réalité apparue dans plusieurs films auparavant, même si pour des rôles bien moins conséquents), et en ne montrant par la suite que les séquelles laissées par l’agression filmée, ce biopic a tendance à jouer contre son camp et à réduire l’actrice à la victime. Il a certes le mérite de faire entendre sa voix, de ne pas passer sous silence ses démons ni sa vie privée, mais cinématographiquement, on en aurait attendu plus, quelque chose de moins lisse, de plus varié, qui donne à saisir plus de facettes de sa protagoniste et rende davantage hommage dans son style visuel à son caractère fort qui ne cherchait plus à se faire aimer de tout le monde. En l’état le film se contente un peu trop de son sujet actuel et du talent éclatant de son actrice principale.

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