« La salle des profs » : si ce n’est toi, c’est donc ta mère

Le collège où Clara enseigne depuis peu est en émoi : des vols ont été constatés. Alors que ses collègues soupçonnent un élève, Clara tend un piège en salle des profs pour débusquer le ou la coupable…

Ilker Çatak co-écrit avec son ami d’enfance Johannes Duncker ce film inspiré d’une conversation qui a fait remonter un souvenir : celui d’une suspicion de vol dans leur collège qui avait entraîné une fouille des affaires des élèves, aucun d’entre eux ne se décidant à la délation. Cette anecdote leur donne le point de départ d’un long-métrage sous forme de huis clos dans l’enceinte d’un établissement scolaire allemand. Le film démarre in medias res par l’interrogatoire auquel sont soumis les délégué(e)s de classe en présence de leur professeure principale. C’est par ce personnage, incarné par Leonie Benesch que nous suivons toute l’affaire.

Aux yeux du réalisateur, le travail d’écriture est plus laborieux et complexe que celui de diriger des acteurs ou de créer une mise en scène. L’intelligence et la précision du scénario sont peut-être justement les qualités qui frappent le plus dans le résultat final. L’intrigue s’appuie sur l’angle de l’enquête qui tire le long-métrage du côté du thriller, et c’est paradoxalement en s’éloignant de la pure chronique sociale que le film réussit à être au plus juste dans la dépiction du microcosme que constitue une école. Cette affaire apparemment banale de quelques billets chapardés prend peu à peu des proportions à mesure que chaque personnage acquiert une intime conviction et décide de se battre bec et ongles pour faire valoir son point de vue comme la vérité. Celle-ci, au sens objectif du terme, se dilue progressivement jusqu’à n’être même plus le réel sujet du long-métrage. Ce qu’on observe, c’est l’engrenage qui vient impliquer de plus en plus de personnes, et soulever de plus en plus de thématiques.

 Avoir choisi une enseignante de mathématiques comme protagoniste a ceci d’intelligent que Clara enseigne à ses élèves qu’il ne suffit pas d’une affirmation mais qu’il faut établir une démonstration de la preuve. Et tandis qu’elle cherche à appliquer sa vision du monde au problème qui fait scandale dans l’établissement, elle se heurte à une adversaire qui lui oppose une présomption d’innocence à toute épreuve. De là, l’élève qui se retrouve en porte-à-faux est le premier de classe brillant, une situation rare qui change des classiques conseils de discipline envers des perturbateurs issus de milieu modeste comme on a pu si souvent les voir dans ce type de long-métrage. 

Du choix de ses comédiens (un acteur racisé pour jouer le prof accusé de racisme) à celui de ses fausses pistes (ces élèves qui semblent tenir conciliabule hors du cours de sport) en passant par sa mise en scène inspirée (les effets du stress sur Clara allant jusqu’aux hallucinations) et une bande-son très prenante dont le rythme saccadé mime l’accélération cardiaque de la prof qui sent que la situation lui échappe, tout dans ce long-métrage semble avoir été pensé et maîtrisé pour produire une œuvre qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, et nous interroge sur des situations qui créent le malaise. On est plus proche des quelques scènes scolaires de Drunk que d’Un métier sérieux, et si l’on ne sait rien des personnages en dehors de leur rôle dans l’établissement, c’est pour mieux concentrer et cerner les enjeux au sein de celui-ci.

Une vraie réussite et un bon choix de film pour représenter l’Allemagne aux Oscars. L’outsider créera-t-il la surprise ?

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