Champs-Élysées Film Festival 2024 – I Saw the TV Glow

Owen, pré-ado solitaire, rencontre Maddy, une jeune fille fan de la série The Pink Opaque. Il réussit à s’inviter chez elle pour regarder le fameux programme télévisé…

Pour son troisième film, encore une fois inédit en France, l’américaine Jane Schoenbrun continue de s’intéresser à l’adolescence et à la culture spécifique à cet âge. Dans son film précédent, We’re All Going to the World’s Fair, sa protagoniste jouait un mystérieux jeu vidéo en ligne qui finissait par avoir une influence sur sa vie. Ici, les personnages fondent leur amitié sur leur passion commune pour une série télévisée mettant en scène deux jeunes lycéennes. Diffusée en deuxième partie de soirée en fin de semaine, The Pink Opaque rappellera en France la fameuse Trilogie du samedi qui passait sur M6 dans les années 90-2000. Avec ses héroïnes luttant contre des personnages maléfiques, la série imaginée par la réalisatrice fait en particulier référence à Buffy contre les vampires, show qui a marqué toute une génération et a connu un regain de popularité dans les années 2020 avec sa mise à disposition sur les plateformes, et dont certaines thématiques sont considérées comme très actuelles.

Naviguant entre les époques, l’âge adulte d’Owen qui, justement lorsque sa série préférée d’adolescence est rendue disponible sur une plateforme, se replonge dans ses souvenirs de jeunesse, et différents moments de sa relation avec Maddy, I Saw the TV Glow apparaît comme la peinture d’une Amérique morne où la vie suit son cours selon une temporalité comme saisie par le prisme d’un miroir déformant. L’impression de vacuité ressentie par le protagoniste, dont la voix raconte comme à distance les événements majeurs de son existence réelle – qu’ils soient tristes comme la perte de ses parents ou joyeux comme le fait de fonder une famille – coïncide avec l’atmosphère fantastique créée par l’association d’un travail de son, et d’une image qui paraît toujours comme ternie par un voile. Au-delà de l’ambiance angoissante, qui se traduit par le doute de plus en plus prégnant chez le personnage principal sur la frontière entre fiction et réalité, le film prend les atours d’une critique d’une société capitaliste qui réduit les existences à des trajectoires dénuées de sens, où le divertissement pascalien prend tout le sien. Quelque part la fascination pour The Pink Opaque et pour Maddy qu’éprouve Owen est aussi une forme de dérivatif pour ne pas penser à la santé déclinante de ses parents et au peu d’options qui s’offrent à lui pour la suite de sa vie. On voit bien aussi comme il est facile quand on est seul de se laisser manipuler et mettre sous emprise, notamment par la sphère médiatique. À moins que ce soit la fiction qui constitue la vérité…

Très singulier et perturbant, le film ne se présente pas à proprement parler comme un classique film d’horreur avec des scènes réellement terrifiantes, mais plutôt comme une œuvre fantastique distillant un malaise certain. Et évoque justement de façon méta le rapport que l’on entretient aux œuvres qui ont pu nous faire peur dans notre jeunesse, lorsque Owen se rend compte que ses souvenirs d’enfant sont bien différents de ce qu’il voit à l’écran en relançant sa série préférée. Un bon point de départ pour une réflexion sur les peurs et leur évolution : à 12 ans, le plus effrayant semble être un homme à tête de glace ou de lune, à l’âge adulte, c’est peut-être tout simplement la société de nos semblables dans laquelle nous vivons.

3 commentaires sur “Champs-Élysées Film Festival 2024 – I Saw the TV Glow

Ajouter un commentaire

Laisser un commentaire

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑