« Love Lies Bleeding » : du sang, du labeur, de la sueur, des larmes (et des stéroïdes)

Lorsque Jacky arrive à la salle de sport où travaille Lou, elle attire l’attention. Mais alors que la gérante et la bodybuildeuse entament une relation, la sœur de Lou se retrouve à l’hôpital, tabassée par son mari….

Après son remarqué Saint Maud, le nouveau film de Rose Glass était très attendu. En premier lieu parce que le nom de Kristen Stewart lui était associé depuis longtemps. Face à elle, c’est finalement Katy O’Brian, passée par les franchises Marvel et Star Wars, qui incarne la Thelma de cette Louise. En effet, même par son affiche française, le film apparaît comme une forme de réécriture du film de Ridley Scott : on y voit les deux héroïnes s’embrasser sur la banquette d’une voiture, le rétroviseur laissant entrevoir un incendie. La référence fonctionne bien dans toute la première partie du long-métrage, celle qui prend le temps pour installer son intrigue dans le cadre d’une Amérique de la fin des années 80, où le mur de Berlin s’apprête à tomber outre-Atlantique et où l’on commence à percevoir les dangers de la nicotine. Dans ces lieux reculés où le paysage asséché offre canyons et crevasses, règnent la crasse, la sueur, et une violence masculiniste latente. Tout semble dégoûtant et pourri comme les dents de Daisy, apparemment la seule lesbienne du coin qui fait du gringue à Lou, en vain.

C’est d’ailleurs le déchaînement de la violence masculine, celle du beau-frère de Lou, qui vient servir d’élément perturbateur et déclencher la vengeance des femmes, qui agissent par sororité. En même temps, le personnage de Jackie porte en lui une forme d’ambivalence de genre : en se piquant aux stéroïdes, la jeune femme semble non seulement acquérir une silhouette musculeuse plus androgyne, mais aussi être contaminée par des pulsions qui semblaient jusqu’alors l’apanage des hommes. Pour contrer l’adversaire, faut-il lutter avec ses armes ? Avoir fait du père de Lou le tenancier du club de tir local permet de mettre en scène une opposition entre la force physique brute et celle conférée par une arme à feu. À partir du moment où Jackie et Lou acceptent de se servir de celle-ci, elles se retrouvent manipulées par le personnage ô combien inquiétant incarné par Ed Harris, savamment grimé en vieux reptile bouffeur d’insectes.

L’atmosphère et le rythme sont très réussis, la violence graphique juste assez dosée pour marquer, des touches d’un humour noir disséminées ça et là comme pour équilibrer les débordements sentimentaux de la romance. Cependant, Rose Glass semble avoir eu du mal à choisir une direction jusqu’au bout, et dans la dernière partie, où le fantastique vient se mêler aux hallucinations, l’ensemble perd autant en crédibilité et en cohérence qu’en efficacité. Jusqu’à cette inutile scène de clôture défilant pendant le générique. Un peu à la manière d’un Shyamalan, la réalisatrice gâche en partie les effets du réalisme terre-à-terre qu’elle s’était évertuée à créer pendant tout le début du long-métrage au profit d’un symbolisme à la Hulk assez peu inspiré et peu exploité réellement.

S’il n’est pas déplaisant, le film s’avère un peu en dessous des attentes suscitées par une communication intensive mettant l’accent sur l’érotisme lesbien (au final très limité, les scènes de rapprochements étant peu poussées et rapidement cutées comme si la cinéaste n’attendait que de revenir à de l’action violente). Il aurait gagné à simplifier son écriture et aller davantage au bout des idées retenues. Restent une certaine patte de cinéma et un beau duo à l’écran. 

Laisser un commentaire

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑