« En plein feu » : maintenant, tu es en cendres

Dans les Landes, où un incendie ravage les pinèdes depuis des jours, Simon et son père sont avertis par l’alarme qu’ils doivent évacuer leur maison. Ils se retrouvent coincés dans une file de voitures à l’arrêt sur la départementale, alors que le feu se rapproche…

Après la comédie très oubliable Paris-Willouby, Quentin Reynaud avait créé la surprise pour les curieux/ses qui se sont aventuré(e)s à découvrir son 5e set, un film sur le tennis déjà tendu comme un cordage de raquette. Avec En plein feu, le cinéaste continue à prouver sa capacité à maîtriser la tension infligée au spectateur/trices en s’attelant au genre, plutôt rare en France, du survival.

Il retrouve son acteur fétiche Alex Lutz, qui sous son égide ne cesse de révéler de nouvelles facettes de son jeu. Ici, il incarne un père meurtri par la disparition de sa fille, et depuis lors incapable d’être à la hauteur pour son fils. C’est une famille d’hommes, qui s’inscrit sur trois générations, puisque Simon vit avec son père, Joseph (André Dussollier). Assez classiquement, la situation extrême et urgente à laquelle la famille va être confrontée est une opportunité de réévaluer les liens qui les unissent, de dépasser les incompréhensions ou les conflits latents et de faire ressurgir au grand jour l’amour filial. En dépit de cet aspect un peu prévisible, le film a pour lui de très grandes qualités. D’abord, un gros travail sur les effets visuels, avec un tournage en deux parties, d’abord dans les Landes sur les lieux réels de l’intrigue, puis dans les studios d’Angoulême qui avaient déjà servi à Wes Anderson pour The French dispatch, afin de reconstituer la portion de route attaquée par les flammes. À l’écran, le résultat est tout à fait suffoquant, réussissant à faire ressentir l’effet de l’incendie sur le corps humain : la soif, la transpiration à grosses gouttes, la respiration courte et difficile, et l’angoisse qui provoque des comportements qui peuvent paraître aberrants à la fois de la part des humains et des animaux. Quentin Reynaud inscrit ses personnages dans un univers, une forêt de conte macabre où toute de la nature peut venir se retourner contre l’être humain, responsable par le réchauffement climatique de ces mégafeux, bien qu’il n’en soit jamais directement question.

L’esthétique est à la fois réaliste quand il s’agit de faire monter la pression et ressentir l’enfermement vécu par les personnages dans l’habitacle de la voiture, et conjointement, onirique à travers des plans dans la brume orangée, Simon semblant seul contre les éléments, mais aussi contre ses propres traumatismes. Au milieu de la poussière, Alex Lutz a quelque chose du cowboy solitaire d’un western apocalyptique. En même temps, le film ne se contente pas de sa trajectoire de survival semé d’embûches, jouant habilement de l’accumulation de péripéties. C’est aussi un drame psychologique, qui utilise les rêves et hallucinations pour nous faire comprendre à quels démons le protagoniste doit faire face. Survivre, ce n’est pas seulement avoir de la chance, prendre les bonnes décisions, faire preuve de force et d’intelligence. C’est aussi choisir la vie, lutter pour elle, ce qui est d’autant moins évident pour un homme marqué par le deuil et la tentation du pire. L’opposition entre la vie et la mort traverse le long-métrage qui est aussi, quelque part, un film de fantôme. La scène dans la maison vide, volontairement ambiguë entre hallucination et réalité, rappelle l’atmosphère de A ghost story, avec cette idée que l’on revient toujours sur les lieux chargés d’histoire intime. L’autre opposition qui travaille le long-métrage, c’est bien sûr celle entre le feu et l’eau, celle-ci pouvant représenter à la fois un océan dangereux et une pluie salvatrice. 

Surprenant dans cette alliance inattendue d’un présent marqué par l’urgence vitale et d’un passé s’infiltrant partout comme la fumée qu’on ne peut s’empêcher d’inhaler, En plein feu confirme qu’il faudra suivre son réalisateur, et prouve encore une fois la vitalité du cinéma hexagonal. 

 

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