« Comme une actrice » : ton âme sœur, ton égérie, parfois ta meilleure ennemie

Pour Anna, la cinquantaine, rien ne va plus : son rôle dans une série s’arrête, son mari lui refuse celui dont elle rêvait dans sa mise en scène et provoque leur rupture. Heureusement, elle a les mystérieuses gouttes d’une guérisseuse…

Pour son premier long-métrage, longtemps mûri, l’ancien directeur du festival du moyen-métrage de Brive se lance dans le genre fantastique avec un principe bien connu : celui d’un objet offrant à qui le possède un pouvoir à l’usage limité et aux conséquences terribles. Comme dans La Peau de chagrin, qui réduit au fil de ses utilisations et menace jusqu’à la vie de son utilisateur, les mystérieuses gouttes “anti-stress” s’amenuisent dans le flacon et font apparaître sur le corps d’Anna des ecchymoses plus nombreuses à chaque prise. 

Avec une économie de moyens remarquable, le cinéaste offre une histoire de métamorphose relativement crédible, aidé par la prestation d’Agathe Bonitzer dans un rôle double. Il instaure une ambiance glacée où les bleus prédominent, en particulier dans le décor du lieu de vie d’Anna, qui s’assombrit à mesure que sa protagoniste sombre dans le désespoir et l’addiction. 

Au-delà du frisson plaisant provoqué par la manipulation opérée grâce à ce pouvoir original, le film est tiraillé entre un certain manque de subtilité et de fluidité, en partie causé par l’usage de la voix off, procédé toujours délicat, et l’excellence de son idée de base, portée par une Julie Gayet investie. On sent que la comédienne tient au message qui sous-tend l’intrigue, celui d’une mise au placard à la fois professionnelle et intime des femmes qui atteignent 50 ans. Ici, Anna voit dans le même temps son emploi habituel cesser, le rôle de ses rêves lui être refusé en raison de son âge, et qui plus est par son compagnon, avec qui elle a longtemps nourri le projet qu’il finit par accomplir sans elle. Et celui-ci de la quitter, manifestement avide d’autres désirs qui trouvent leurs objets dans des femmes beaucoup plus jeunes. Cette Anna, prête à tout pour récupérer l’homme de sa vie, y compris aux pires mensonges, souffrances et sacrifices, fait évidemment penser à la Claire de Celle que vous croyez. Les deux personnages ont en commun d’utiliser le pouvoir de la fiction, dont elles connaissent bien les ficelles, l’une en tant qu’actrice, l’autre en tant qu’autrice, et de refuser le renoncement que la société des hommes leur impose. Oui, à cinquante ans, on peut encore rêver de grands projets professionnels, et aimer passionnément… à la folie. 

La conclusion qui se déploie par strates successives permet d’envisager toutes les pistes, de la plus moralisatrice à la plus romantique, jouant avec nos attentes et notre point de vue sur les agissements d’Anna. Une façon intelligente de nous renvoyer à nos propres espoirs et nos propres jugements. 

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