« Le secret de Sybil » : elle était si jolie, je ne peux l’oublier

À 10 ans, deux petites filles se lient d’amitié. Issues de milieux sociaux différents, elles ont en commun la passion de la lecture. Pendant 4 ans, elles restent totalement inséparables avant de s’éloigner au fil des années lycée…

Jusqu’ici, on devait surtout à Laurence Cossé des romans sur le pouvoir, sous différentes formes de celui-ci. Mais pendant des années, l’autrice, Grand Prix de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre en 2015, a gardé en réserve le projet d’un livre plus intime sous forme de tombeau destiné à protéger et rendre éternelle la mémoire de sa meilleure amie d’enfance.

Découpé en deux parties correspondant avec simplicité au titre, « Sybil », puis « Le secret », le récit se concentre d’abord sur les souvenirs d’enfance et d’adolescence qui lient la narratrice à la fameuse Sybil, puis sur l’enquête qu’elle mène à partir du moment où elle décide de se lancer dans ce projet littéraire.

La première partie du récit constitue une vision romancée d’une amitié d’enfance assez classique dans sa pureté et son exclusivité. Les deux gamines, grandes lectrices, partagent également des facilités au niveau scolaire qui leur permettent de se précipiter après les cours pour expédier leurs devoirs et passer le plus clair de leur temps côte à côte dans le silence de leurs découvertes romanesques. Mais le reste du temps, elles nourrissent également des conversations sur le mode de la connivence qui les éloignent à la fois de l’univers codifié des adultes et des autres camarades qui ne peuvent jamais entrer dans leur intimité.

Rétrospectivement, la narratrice perçoit plus clairement ce qu’elle pouvait confusément ressentir dès l’enfance :  que c’est d’abord les différences d’éducation et les choix des adultes qui vont contribuer à l’éloignement dès la fin de l’adolescence. Chez Laurence, on valorise l’hédonisme, le temps pour soi, la culture de la singularité. Chez Sybil, on vise l’excellence, on impose la rigueur et on cultive l’appartenance à une bonne société qui se distingue à la fois par ses tenues, ses comportements, ses références et ses fréquentations. Ce traditionalisme rigoureux qui peut paraître un refuge séduisant pour l’enfant souvent livrée à ses propres choix devient, lorsque les deux jeunes filles sont envoyées dans des lycées différents, le terreau dans lequel Sybil vient puiser le désir d’amitiés nouvelles socialement valorisantes et de travail acharné pour se sentir culturellement au niveau de ce nouveau monde.

S’il est d’emblée triste en ce qu’il concerne une amitié magnifique qui s’est étiolée, le récit devient beaucoup plus tragique dans sa deuxième partie lorsqu’est reconstitué le parcours de Sybil dès la fin du lycée. S’il est question de secrets de famille et des répercussions de ceux-ci sur la génération suivante, on évoque aussi le tabou autour de la maladie mentale, cachée au point d’isoler totalement ceux et celles qui en souffrent. Mais le plus passionnant et peut-être le plus déchirant, c’est le constat que malgré toute l’affection – l’autrice dit « l’amour » – qui les unissait enfants, les deux jeunes femmes ont été incapables de se comprendre et de se soutenir le moment venu, chacune enfermée dans ses propres souffrances et incapable de s’imaginer autre chose dans le destin de l’autre qu’une légèreté contrastant avec son propre chagrin.

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