Avec 175 films de l’année en cours vus au cinéma, mon record, ce top 10 a été particulièrement compliqué à établir au point que j’ai envisagé de proposer un top 20 ! Le signe d’une reprise florissante après les aléas du Covid, en particulier du côté du cinéma français : il y a encore deux mois, ce top aurait été composé à 80 % de films français. Mais le dernier trimestre a réservé de très belles surprises qui ont encore compliqué la sélection finale, qu’il est temps de dévoiler (avec quelques surprises)…
10. Maria Rêve
Après un court-métrage césarisé, le premier long de Lauriane Escaffre et Yvo Muller aurait dû être plus attendu et mis en avant qu’il ne l’a été. Avec son parcours émancipateur d’une modeste femme de ménage qui éclot au contact de l’école des Beaux-Arts, son inventivité dans le rapport aux œuvres, son cocktail détonnant de tendresse et de vraie comédie et son délicieux pas de deux entre Karin Viard et Grégory Gadebois, Maria Rêve aurait clairement dû constituer un succès grand public. Sorti des salles à moins de 150 000 entrées, il fait partie des pépites à rattraper en VOD !
Alternative « même les travailleuses ont droit à la passion et à l’indépendance » : La Passagère
9. Clara Sola
Encore un premier long-métrage, celui de la costaricaine Nathalie Álvarez Mesén qui offre à Wendy Chinchilla Araya un rôle à la fois pur et troublant. La double emprise familiale et religieuse la contraint à un rôle de guérisseuse sanctifiée qui l’empêche de s’accomplir comme femme. Est-ce par l’homme, par le règne animal, par la singularité de sa propre nature, que Clara peut espérer contourner ou briser ses entraves ? La délicatesse de la photographie et du réalisme magique font du film un conte à la fois sombre et revigorant.
Alternative « les femmes se défont des chaînes de la religion » : Medusa
On partait de loin avec Rebecca Zlotowski, dont le Grand Central m’avait largement agacée. Elle est clairement la plus belle progression de cette année, avec un film plein de maturité à la fois dans le choix comme protagoniste d’un type de personnage souvent cantonné au rôle secondaire, et dans son traitement qui ne tombe jamais dans des conflits faciles et préféré révéler que, même quand chacun(e) y met du sien, il est parfois déchirant de s’être attaché(e). Comme femme complexe et complète, à la fois amoureuse, parente surnuméraire et enseignante investie, Virginie Efira crève l’écran une fois de plus.
Alternative « on risque de pleurer un peu si on s’est laissé apprivoiser » : Un beau matin
7. Annie Colère
Qui n’a pas rêvé de voir Laure Calamy dans un rôle tout en réserve et en retenue ? Blandine Lenoir, habituée des parcours féminins de transmission, l’a fait en lui offrant Annie. C’est par nécessité qu’elle rencontre les militantes du MLAC, mais elle y trouve plus qu’une solution immédiate, un sens à sa vie et à sa condition féminine. Revers de L’Événement dans un même devoir de mémoire, le film aborde l’avortement par le prisme de la douceur et de la sororité. « La tendresse, c’est politique », notre réplique de l’année !
Alternative « Laure Calamy bravant les affres de la condition féminine » : À plein temps
Qui dit Michel Leclerc et film musical dans la même phrase a de quoi partir conquis ! Au-delà de sa géniale bande-son qui recrée les différentes couleurs musicales émaillant la carrière d’une artiste fictive, brillamment interprétée à tous les âges de sa vie par Judith Chemla, le film interroge les rouages de l’industrie musicale et le poids de l’héritage socioculturel dans nos goûts. Au passage, il se paie le luxe d’une protagoniste bisexuelle qui refuse de se laisser contraindre dans ses choix que ce soit par calcul ou par amour. Et ça, on adore !
Alternative « tous au karaoké et vive la chanson française » : L’Innocent
Il nous avait habitué à user de systèmes narratifs éclatés pour saisir la douleur de ses personnages. Félix Van Groeningen accompagné de Charlotte Vandermeersch s’essaie à la linéarité et à une forme de classicisme qui sied merveilleusement à son histoire d’amitié masculine. Les émotions les plus pures et simples atteignent leur souffle épique dans le cadre époustouflant des montagnes italiennes, saisi par les plus beaux plans larges de l’année. Vraiment sublime.
Alternative « l’homme est si peu de choses dans les paysages à couper le souffle » : Godland
Si dans ses thématiques Hirokazu Kore-eda retrouve ses habitudes avec cette histoire d’enfant abandonné, il pose ses caméras en Corée, ce qui le contraint à une forme de travail spécifique, en collaboration étroite avec ses interprètes. L’œuvre qui en résulte est à la fois l’une de ses plus drôles et éminemment sensible, atteignant par la pudeur de ses scènes les plus intimes des sommets de grâce.
Alternative « le hasard des rencontres est le sel de la vie » : Contes du hasard et autres fantaisies
Deux cinéastes se sont cette année confrontés à leurs souvenirs d’enfance (et c’est sans compter The Fabelmans qui approche). Chez James Gray comme chez Kenneth Branagh, l’enfance est un îlot protégé par la famille, et le roitelet se croyait invincible. L’apprentissage de l’injustice fondamentale du monde est sans doute plus déchirant chez l’Américain, et ses personnages moins purs et plus faillibles. C’est la prestation d’Anthony Hopkins qui l’emporte sur tout.
Alternative « l’enfance à l’épreuve des laideurs du monde adulte » : Belfast
« Il y a un problème entre les hommes et les femmes ». Au-delà de la démonstration brillante de cette évidence, Dominik Moll signe un thriller brillant et implacable qui nous tient malgré sa définition d’affaire irrésolue. Austère contre viscéral, son duo de flics propulse Bastien Bouillon et Bouli Lanners au rang des meilleurs acteurs du moment. Mais chaque personnage féminin, en creux, vient apporter toute l’intelligence de la compréhension de ce monde qui a déraillé. Bien que le film nous brise, sa petite musique lancinante comme un tour de piste nous y ramène encore et encore.
Alternative « donnez tous les prix à Bouli Lanners merci » : Nobody Has to Know
1. Une jeune fille qui va bien
Pour sa première réalisation, Sandrine Kiberlain a compris une chose rare : le plus universel des grandes tragédies de l’Histoire, c’est l’instant juste avant l’horreur complète. La joie de vivre, la passion du théâtre, la fantaisie, le désir d’amour d’Irène (extraordinaire Rebecca Marder dont le talent est enfin révélé au-delà du cercle des habitué(e)s de la Comédie-Française), sont des moteurs si puissants qu’ils nous semblent capables de renverser le cours du destin. Il n’y a pas devoir de mémoire plus réussi que celui qui nous jette à la figure la vie qui s’attache à soi, quand tout autour hurle à la mort.
Alternative « plongée vibrante dans une époque de l’histoire française » : Les Passagers de la nuit
Et vous, quels films de 2022 vous ont marqué(e)s ?
Wahou, score incroyable de visionnage pour toi ! J’en ai vu 42 de mon côté, je suis plutôt contente, d’autant plus que j’ai pu faire de superbes découvertes 😍 Ce sera un top 12 pour moi, j’ai pas su m’arrêter à 10 lol Je te laisserai découvrir ça bientôt !
Haha j’avoue, beaucoup de ciné chez moi cette année ! Possible que je lève un peu le pied en 2023. Bien curieuse de ce top 12 !
Je n’ai vu aucun des films que tu cites (à part A plein temps), mais je vais garder cette liste pour quand j’aurais le temps de regarder à nouveau davantage de films : tu me donnes envie de tous les découvrir et de me laisser surprendre !
Merci pour toutes ces chroniques passionnées et intelligentes ! Au plaisir de te lire encore une année de plus !
Merci infiniment ! Bonnes découvertes alors ! Le rythme va un peu se ralentir ici mais je posterai également des avis plus court sur Instagram, si cela t’intéresse (@Lilylit_blog).
Ce n’est pas grave, j’aurai toujours de quoi faire !
Je ne suis pas sur les réseaux sociaux, donc tant pis pour les petits avis !