En 1917, Baby Jane est une enfant star. Mais à l’âge adulte, c’est sa sœur Blanche qui est devenue une actrice célèbre. Lors d’un accident de voiture, celle-ci est paralysée. Toute leur vie, les deux sœurs continuent à habiter ensemble dans la haine…
Challenge 12 mois – décembre – conseillé par Tiopira
Il y a parfois des films qui exploitent l’amitié entre acteurs ou actrices, voire des liens de parenté. Et puis il y a des courageux comme Robert Aldrich qui, pour adapter l’œuvre de Henry Farrell, accepte de tourner avec d’anciennes gloires de la Warner, jusqu’alors jamais réunies à l’écran, Joan Crawford et Bette Davis. Et pour cause : le torchon brûle entre les deux actrices au tempérament notoire. Au point que sur le tournage, l’une des deux a infligé à l’autre des points de suture !
L’ensemble est construit comme un thriller plus ou moins hitchcockien, qui s’appuie sur un quasi huis clos dans une grande maison où les deux sœurs vivent presque recluses, ne fréquentant que la femme de ménage. Chacune reste cloîtrée dans son propre espace : Blanche, paralysée, ne peut descendre au rez-de-chaussée, restant donc en permanence dans sa chambre alors que Jane aime se réfugier en bas avec les souvenirs de sa gloire d’enfance, dont une poupée répliquant grandeur nature la petite fille modèle qu’elle fût. L’escalier devient donc un motif central, mis en avant par la mise en scène qui filme régulièrement en caméra subjective Blanche tentant de comprendre ce qui se passe au rez-de-chaussée en observant à travers la rambarde, ou Jane faisant mine de descendre pour écouter à la dérobée les réactions de sa sœur à ses mauvaises blagues, où se précipitant pour aller ouvrir la porte d’entrée.
Alors que l’animosité de Jane grandit suite à la rediffusion d’un film à succès de sa sœur (la production s’amuse à piocher dans des extraits d’anciennes œuvres où apparaissaient les actrices pour illustrer la carrière des protagonistes), la cohabitation se transforme petit à petit en une séquestration de plus en plus sadique et violente, dont la musique de Frank De Vol accentue la tension, avec des emprunts plus ou moins évidents à la bande-son de Psychose, sorti deux ans auparavant.
Robert Aldrich joue des oppositions, notamment grâce au noir et blanc qui accentue les contrastes entre la blonde Jane et la brune Blanche, fait ressortir l’effrayant maquillage que Jane arbore pour tenter de renouer avec son personnage d’enfant, mais aussi d’une façon assez comique autour du personnage d’Edwin, immense pianiste dont la stature fait paraître aussi bien sa mère que « Baby » Jane minuscule.
Brouillant les cartes quant aux possibilités de résoudre l’intrigue grâce à plusieurs personnages secondaires (la voisine et sa fille, la femme de ménage, le nouveau pianiste, le psychiatre… ) , le scénario parvient relativement bien à nous tenir en haleine même si les 2h13 sont peut-être un peu exagérées pour ce que l’histoire a à raconter. Cependant on prend un certain plaisir sadique à se demander jusqu’où les deux sœurs à la fois ennemies et co-dépendantes vont pousser l’extrémité de leur aversion. Et la conclusion vaut bien, à la fois pour ses révélations et pour sa mise en scène, d’avoir patienté jusque-là.
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