« Le parfum vert », film noir et chemises brunes ?

Pendant une représentation à la Comédie-Française, un acteur s’écroule sur scène, assassiné. Les derniers mots qu’il prononce à l’oreille de son collègue Martin sont « le parfum vert »…

La politique, Nicolas Pariser adore ça. Tellement qu’après deux films complètement centrés sur le sujet, il arrive même à le replacer dans un troisième long-métrage qui pourtant pouvait, sur le papier, avoir l’air fort différent. Inspiré par Hitchcock, en particulier Une femme disparaît, mais également par la relecture des albums de Tintin, le cinéaste se met en tête de croiser les deux univers dans une forme à mi-chemin entre le pastiche et la parodie. Pas complètement à l’aise avec l’idée d’un film d’époque, ni avec le budget correspondant, il voit chez Hergé une forme d’inquiétude face à la montée des extrêmes dans les années trente et s’appuie sur le constat d’une situation similaire de nos jours pour situer son intrigue de manière à peu près contemporaine. À peu près seulement, car finalement les références temporelles sont assez limitées et l’esthétique globale a quelque chose de furieusement vintage, en partie due au choix de tourner en 35 mm pour le grain, mais aussi à une colorimétrie qui accentue les contrastes, faisant jaillir des ombres partout. Même les tenues des personnages ont quelque chose des costumes de héros de bande dessinée, à la fois un peu intemporels et très reconnaissables.

Sur son aspect purement comédie d’enquête, le film est plutôt très réussi, grâce à un bon rythme de rebondissements et un vrai plaisir pris aux courses-poursuites, que ce soit en taxi, à pied ou dans un train. Mais aussi parce que ses interprètes ont réellement l’air de s’amuser et se plient en quatre pour notre divertissement. Vincent Lacoste tombe et se relève à tout bout de champ presque comme un personnage de cartoon qui reprendrait sa forme après s’être fait écraser sous un marteau  géant l’instant précédent, et Sandrine Kiberlain campe une nature attirée par les problèmes, qui n’est jamais si heureuse qu’en côtoyant quelqu’un d’encore plus angoissé qu’elle et au milieu d’une conspiration internationale où elle risque sa vie à chaque minute. Un peu comme dans Elle l’adore, elle trouve ici un bon moyen de prouver qu’elle excelle dans ces personnages d’apparentes girls next door qui se révèlent complètement frappadingues. On peut quand même émettre des réserves sur la nature de la relation qui se crée petit à petit entre les deux protagonistes, qui paraît nettement tirée par les cheveux dans de telles circonstances et avec des tempéraments et des profils si différents.  C’est presque comme s’il leur suffisait de se rendre compte qu’ils partagent la même ascendance ashkénaze pour s’allier de manière absolument immédiate.

Là où le film est moins convaincant, c’est justement dans sa partie politique. Faire de l’Europe le théâtre d’une conspiration, pourquoi pas, cela s’est déjà vu dans l’excellente fiction audio « Projet Orloff » avec une histoire d’espionnage bien ficelée et crédible. Ici, l’organisation du parfum vert reste une entité floue dont on comprend assez mal les objectifs, peut-être parce que les services secrets français paraissent vraiment peu au niveau. L’écart entre le divertissement plein de gags de l’enquête et l’extrême gravité des fantômes du passé que Pariser vient soudain faire surgir à des moments totalement incongrus est trop grand pour que le film parvienne à raccrocher les wagons entre ses différentes ambitions. La judéité des personnages n’est finalement que l’occasion de produire du discours, dont on ne sait pas forcément très bien où il mène, au sujet de l’Europe et d’Israël, ce qui donne des moments verbeux qui cassent le rythme de l’ensemble et n’apportent pas grand-chose ni à la profondeur des personnages ni à l’avancée de l’intrigue. L’écriture se prend les pieds dans sa volonté de pointer la montée d’un antisémitisme contemporain, manquant de précision, de subtilité et de cohérence pour susciter une vraie inquiétude. On aurait préféré que le cinéaste en reste à son projet initial d’hommage britannico-belge, qui portait déjà en lui-même une dimension européenne, sans se sentir obligé de nous asséner un discours politique plaqué.

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