Bastien vient passer quelques jours de vacances au Canada avec ses parents et son petit frère, chez la meilleure amie d’enfance de sa mère. Celle-ci vit avec sa fille adolescente, Chloé, qui raconte aux nouveaux arrivants que le lac est hanté par un fantôme…
On peut s’étonner que pour son passage à la réalisation, l’actrice Charlotte Le Bon ait choisit d’adapter une bande dessinée d’un dessinateur très controversé, dont la fascination pour l’inceste et la sexualisation des mineur(e)s traverse une œuvre de plus en plus remise en question.
Elle trouve pourtant dans cette histoire d’initiation sentimentale une forme de délicatesse assez peu perceptible dans les planches mais qu’elle va parvenir à faire surgir en 16 mm, en premier lieu grâce au déplacement de l’intrigue de la Bretagne aux rives canadiennes du Falcon Lake, un lac au bord duquel elle a elle-même passé des vacances adolescente. Se replongeant dans la mélancolie qui l’habitait à 16 ans, la cinéaste parvient à composer un binôme touchant entre Joseph Engel, qu’elle avait repéré dans L’Homme fidèle et qui retrouve sous sa direction une forme de vérité qu’il semblait avoir perdue dans La Croisade, et Sara Montpetit (rôle-titre de Maria Chapdelaine). Malgré l’écart d’âge entre les deux personnages (la jeune fille a 2 ans et demi de plus), le scénario tend à les mettre sur un pied d’égalité, et en gommant le titre de l’œuvre littéraire pour lui substituer le lieu, aboli le sous-entendu incestueux.
Au cœur du long-métrage, il y a désormais ce lac, qui dès son plan d’ouverture semble porteur d’une menace, et en même temps objet de fascination. Obsédée par la mort et les histoires de fantômes, Chloé ne cesse de raconter le décès d’un jeune noyé dont personne d’autre qu’elle n’a entendu parler et s’emploie à esthétiser ses fantasmes morbides à travers des mises en scène photographiques et un costume de spectre qu’elle emmène même dans les soirées. Cette présence fantomatique associée à un travail esthétique tout en finesse qui tire le meilleur parti de la pellicule, et à une bande-son planante et entêtante, donnent au film un côté A Ghost Story qui contribue à son charme douloureux et à sa profondeur.
Parallèlement, si elle ne renie pas le surgissement du désir entre les personnages principaux, Charlotte Le Bon le traite avec une certaine pudeur, évitant de déshabiller ses jeunes acteur et actrice au-delà du nécessaire à la compréhension de ce qui se joue, passant par des plans fixes sur la longue chevelure de Chloé ou l’eau qui lui ruisselle dans le dos pour nous donner à ressentir l’attraction qu’elle exerce sur le jeune garçon, et optant pour une scène nocturne au cadrage à la taille qui suggère de façon bien plus délicate et efficace que n’importe quel voyeurisme. Le comportement des deux adolescent(e)s est réaliste dans la contradiction permanente entre le désir et sa volonté d’en jouer, de pouvoir en parler pour sembler désinvolte, voir es’en vanter quitte à causer de la peine, et une forme de retenue liée au jeune âge, exprimée par Chloé lorsqu’elle avoue les raisons de sa rupture avec son ancien petit ami.
Non seulement le film de Charlotte Le Bon est un premier long-métrage réussit par son équilibre, sa sensibilité et sa façon de jouer avec notre peur de la mort, mais en plus c’est un travail d’adaptation brillant qui approfondit son matériau de départ et le débarrasse de toutes les scories pour l’épurer. On pourrait presque y voir une illustration de la différence entre male et female gaze dans la façon de raconter une histoire. La démonstration serait alors plutôt édifiante…
Un coup de cœur pour moi et je trouve que tu en parles très bien 😉
Merci beaucoup !!