« Contes du hasard et autres fantaisies » : chaque fois que le sort se pointe…

En entendant une amie lui parler de l’homme qu’elle vient de rencontrer, une jeune femme se rend compte qu’il s’agit de son ex. Poussée par son amant, une étudiante tente de piéger son professeur. Deux anciennes camarades de lycée se croisent par hasard dans la rue… 

Après son adaptation de Drive my car, Ryūsuke Hamaguchi se lance dans un nouveau projet sous forme d’exercice de style. Cette fois-ci, il n’est pas directement question d’une adaptation, mais plutôt d’un travail de pastiche.  Le cinéaste nippon se met en tête d’écrire à la façon d’Éric Rohmer,  donc il apprécie les Contes, ce qui explique la traduction du titre de son film en français. En japonais, cela donnerait plutôt quelque chose comme  « coïncidence et imagination », ce qui met davantage l’accent sur les situations et les ressorts dont les personnages doivent faire preuve face à ce qui arrive de manière inopinée, que sur la forme.

Celle-ci, conformément aux habitudes du cinéaste, consiste en un découpage en plusieurs parties, qui auraient presque plus constituer les épisodes d’une série (il avait d’ailleurs écrit sept histoires courtes initialement), mais en l’état constitue un film à sketchs. Un peu comme L’Art d’aimer d’Emmanuel Mouret faisait une sorte de panorama des différentes possibilités de relations amoureuses hétéros, Contes du hasard et autres fantaisies décline une variété de coups du sort possibles et de réactions humaines face à ceux-ci.

C’est avant tout par le dialogue que passe l’imagination de solutions face à ces situations improbables dans lesquelles se retrouvent les personnages. Souvent capturées dans de longs plans fixes qui permettent aux acteurs et aux actrices de déployer leur jeu dans la durée de l’échange, se renvoyant la balle avec beaucoup de grâce et d’élégance en toutes circonstances, les discussions tournent essentiellement autour des relations humaines, amoureuses ou amicales, parfois quelque part dans un entre-deux. À la fois subtil et moderne, le film envisage sans jamais juger, nous plaçant dans une situation d’observateurs/trices curieux/ses et intrigué(e)s, des relations souvent originales et complexes, où l’affection le dispute à la jalousie, l’amour à la haine, l’attachement à l’agacement, l’embarras à la confiance. La photographie souvent lumineuse et les tonalités claires, en particulier dans les deuxième et troisième segments, le premier comportant davantage de scènes nocturnes, contraste avec les tourments qui agitent les cœurs des personnages et propose une sorte d’apaisement par l’image qui coïncide avec la caméra très posée. Le hasard et les bouleversements qu’il occasionne ne naissent jamais que dans un cadre, comme si le cours de la vie devait toujours finir par reprendre ses droits,  quoi qu’il puisse advenir comme élément perturbateur (c’est d’ailleurs plus ou moins la conclusion du deuxième segment).

Ces coïncidences sont donc à prendre comme des moments-clés, qui vont peut-être avoir l’air de révolutionner pour un instant la vie des protagonistes mais se résolvent à la fin de chaque chapitre comme une bulle qui aurait éclaté. Ce qu’ils occasionnent, c’est avant tout pour les personnages féminins, car comme souvent chez Hamaguchi les personnages masculins restent très secondaires, l’occasion d’une vraie réflexion sur ce qui leur importe dans leur vie, leurs valeurs, ce vers quoi elles tendent et ce qu’elles sont capables de remettre en question. Par la rencontre impromptue, l’acte manqué, le quiproquo ou l’erreur, mais aussi par les choix qu’elles font face à ces données, agir ou non, mentir ou avouer, fuir ou affronter, elles apprennent quelque chose d’elles-mêmes, quelque chose qui bien que globalement inconfortable sur le moment va probablement les aider à vivre la suite de leur existence d’une manière un peu plus adéquate avec elles-mêmes. Finalement, le hasard chez Hamaguchi a quelque chose du karma, un coup de pouce du destin qui, avec ses airs de sortie de route, n’est en fait qu’une façon pour chacune de retrouver les bons rails de sa vie. Le tout est si vibrant, intime et tout en finesse qu’on ne peut qu’espérer voir prochainement les quatre autres histoires écrites par l’auteur.

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