« Despedida », dans la forêt lointaine, on entend le toutou

Après l’enterrement de sa grand-mère, qu’elle n’avait pas revu depuis longtemps, Ana croix la voir l’appeler par la fenêtre de la chambre depuis la forêt. Elle découvre un monde enchanté et inquiétant…

Le duo brésilien Luciana Mazeto et Vinícius Lopes avait déjà démontré avec son premier long-métrage, Irmã, sa capacité à mêler intrigue familiale intimiste et fantastique surprenant dans un univers visuellement coloré et proche des éléments naturels. Leur second long-métrage, Despedida (ce qui signifie “adieu” en portugais), poursuit dans cette veine avec encore davantage d’audace. Pensé pour être vu en famille, le film s’attache à une très jeune héroïne, Ana, 11 ans (Anaís Grala Wegner, qui jouait déjà dans leur film précédent), qu’il entoure d’autres personnages juvéniles afin de donner aux jeunes spectateurs des points d’identification. De plus, on découvre dans le film tout un panel d’objets et de créatures qui correspondent à l’univers de l’enfance. On se déguise, on joue avec des poupées en tissu toutes douces (du moins en apparence), on cache ses secrets dans une petite boîte à musique à l’élégante danseuse, on profite des pièces inoccupées de la maison pour lancer une partie de cache-cache, et c’est dans la nuit qu’on doit craindre des dangers tels qu’un gros chien aux allures de loup. On est à la fois dans une situation qui peut rappeler des souvenirs de rassemblements familiaux et dans un univers moins quotidien et plus proche de celui des contes, dans lequel la forêt est bien souvent le lieu des rites initiatiques.

Et comme souvent dans les contes, le fantastique est là pour accompagner une leçon de vie, ici pour évoquer le processus de deuil après la perte de la grand-mère, et la nécessité d’une forme de compréhension et d’acceptation par tous les membres de la famille. Une famille essentiellement féminine, dont les seuls représentants masculins sont les deux petits cousins jumeaux présentés comme des antagonistes de l’héroïne. On est encore à l’âge où le genre opposé peut-être perçu comme l’ennemi, et où seule la bonne copine peut être la meilleure alliée.

Le fonctionnement du scénario est celui d’une quête, presque d’un escape game, où chaque nouvel objet découvert permet d’accéder à un nouveau lieu et de comprendre davantage l’histoire de la famille et le rôle qu’Ana peut jouer. Chaque nouvelle étape vient avec son lot de surprises visuelles, car la grande richesse de ce film, c’est avant tout son inventivité esthétique. Empruntant à des univers variés, comme celui d’Alice au pays des merveilles ou des films de Miyazaki, Despedida peut aussi faire penser au Michel Ocelot d’Azur et Asmar avec son côté dépaysant et coloré situé en plein carnaval, son histoire de princesse et ses épreuves à accomplir. On n’est finalement pas si loin non plus de Coma, le dernier Bonello, dans l’exploration de la psyché et des rêveries d’une jeune fille passant par l’animation des objets de son quotidien. Et justement, s’il est essentiellement tourné en prises de vues réelles, Despedida ne s’interdit pas le recours à l’animation, qu’il s’agisse de faire bouger des poupées ou autres créatures surprenantes grâce à du stop motion, de faire parler un chien-loup ou d’introduire des séquences de rêve entièrement animées. L’ensemble offre des images très riches avec toujours quelque chose à contempler ou à découvrir, produisant une forme d’émerveillement permanent parfois mâtiné d’une vague inquiétude, car ce n’est pas parce qu’il s’adresse aux enfants que le film se veut gentillet dans son ton. Il est tout de même question d’anciennes rancunes, de personnes disparues, de ce sur quoi on s’aveugle au sens propre comme au sens figuré. Un ovni qui sort à point nommé pour y emmener les enfants pendant les fêtes de fin d’année.

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