« Samhain », tu brûleras ceux que tu auras adorés

Lorsque Angela disparaît près de la rivière, sa fille Charlotte, son frère et sa mère s’inquiètent. La mère dépressive revient et semble aller mieux, bien qu’elle adopte un comportement étrange…

Grand Prix du Festival de Gérardmer, le premier long-métrage de Kate Dolan arrive chez nous avec un peu de décalage par rapport à son titre français qui évoque les origines de la fête d’Halloween, en s’appuyant sur la célébration irlandaise de Samhain, celle d’un changement de saison entre l’été et l’hiver, fixé au 31 octobre. Cette partie de l’histoire du pays est présentée rapidement par un personnage dans le film, qui par ailleurs met davantage le focus sur le folklore local qui a façonné l’imaginaire de la cinéaste, en particulier la figure des changelins, des esprits capables de remplacer une personne.

Le titre original en anglais est davantage évocateur des problématiques unissant les personnages mais constitue quasiment un spoiler. En suivant une famille majoritairement féminine, composée d’une grand-mère, d’une mère, d’une fille et d’un seul homme ayant respectivement le statut de fils, frère et oncle (dont le seul rôle est d’essayer d’imposer sa vision de ce qui est bien pour elles aux protagonistes), Kate Dolan crée un teen movie qui mêle rites initiatiques, apprentissage et émancipation. Charlotte (Hazel Doupe) symbolise l’adolescence studieuse, sage et discrète, dont l’absence apparente de crise lui vaut d’être mise de côté par ses camarades et attise la sympathie de ses professeurs. Néanmoins, même pour les enfants modèles, se construire passe par une essentielle remise en question de l’éducation reçue et de la transmission familiale, y compris celles des traumatismes. À partir de la disparition momentanée de sa mère, Charlotte se trouve contrainte de grandir rapidement et de prendre des décisions cruciales et douloureuses pour espérer mener une vie d’adulte.

Autre élément qui a inspiré la réalisatrice, la force des femmes de sa famille y compris dans le combat contre des pathologies psychologiques. D’emblée, le personnage d’Angela (Carolyn Bracken) présentée comme une femme dépressive, peine à se lever de son lit pour accomplir des tâches du quotidien et semble même exprimer des pulsions morbides. Mais dans des flashbacks, sa fille se remémore des instants plein de vie et de joie avec elle, et plus tard, elle se montre à nouveau enjouée, ce qui se traduit chez elle par un changement de tenue avec l’apparition d’une robe jaune soleil et également l’envie de danser. On peut y voir une évocation, même symbolique, de la bipolarité ou d’autres troubles de l’humeur qui rendent le personnage imprévisible pour ses proches. L’usage du fantastique, d’abord discret dans une esthétique plutôt naturaliste avec une palette de couleurs froides allant du gris bleuté du ciel et de la rivière à l’étendue de pelouse verdoyante en passant par un intérieur plutôt terne, elle est associée à l’expression intime de la souffrance avec des manifestations physiques comme le vomissement ou le cri, puis plus tard des saignements et pertes de cheveux. Sans jamais chercher à faire vraiment peur à ses spectateurs/trices avec ses effets, le film tente plutôt d’installer une ambiance dans laquelle le danger vient de ce qui nous est le plus proche, la famille. Entre la grand-mère avec ses talismans végétaux qui évoquent des pratiques de sorcellerie, la mère au comportement bizarre, l’oncle capable d’une fermeté qui confine à la violence, Charlotte n’est pas bien aidée pour s’y retrouver, et l’actrice incarne avec sensibilité cet âge de la perte des repères et de la construction de son identité notamment par le rapprochement avec des pairs, ici une camarade qui lui apprend par exemple à fumer.

Avec quelques références classiques de qualité et une belle sensibilité, ce petit film rappelle Relic qui employait déjà les atours du genre pour évoquer la transmission entre générations de femmes. 

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Un commentaire sur “ « Samhain », tu brûleras ceux que tu auras adorés

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  1. Alors là, tu me parles considérablement en donnant « Relic » comme référence ! J’avais adoré ce film, très peu apprécié malheureusement…J’espère pouvoir voir celui-ci, mais je pense que ce sera plus en VOD lol

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