Chéries-chéris 2022 – La guerre de Miguel, Soy Niño, Désert privé, Camila sortira ce soir

La guerre de Miguel

image extraite du documentaire La guerre de Miguel (Aanaf Hob)

Miguel est né Michel, fils d’un père catholique libanais et d’une mère syrienne. Après avoir combattu dans une milice, il est poussé à fuir en Espagne où il change d’identité et assume son homosexualité…

La cinéaste Eliane Raheb conçoit un documentaire de forme originale autour de la trajectoire de vie de Michel, dit Miguel Jelelaty, immigré du Liban en Espagne dans sa jeunesse. En retraçant son enfance, son activité militaire, ses rapports avec ses parents, en particulier sa mère, et sa vie depuis son arrivée en Espagne, la réalisatrice tente de le faire parler et de lui arracher des souvenirs réels et sincères de ces différentes époques. Habitué à donner des conférences et spectacles, Michel se retrouve en train de faire sa psychanalyse face caméra dans des séquences qu’il demande parfois à couper lorsque l’émotion est trop forte. Souvent, il prétexte ne plus se souvenir ou semble inventer des éléments que d’autres témoins viennent contredire, par exemple autour de son activité militaire. Cachant son malaise derrière un rire tonitruant et communicatif, Michel est un personnage complexe qui porte en lui la culpabilité pérenne de n’avoir pas su correspondre aux attentes très élevées de sa mère. La cinéaste fait revivre les parents et le frère de Michel dans des extraits de mise en scène théâtrale et des collages animés qui rendent le documentaire coloré, foisonnant mais un peu foutraque. Si certaines trouvailles amusent, comme les poils qui poussent sur le visage et le corps de la Joconde, les atermoiements du protagoniste deviennent un peu répétitifs et ont tendance à égarer les spectateurs/trices dans le fil du récit.

Soy Niño

image extraite du documentaire Soy Nino

Dans la famille de Lorena, on a toujours gardé la trace de bons moments de rassemblement grâce à son père et sa caméra. Elle reprend le flambeau lorsque son cousin entre dans l’adolescence et annonce débuter une transition de genre…

Ce court documentaire – tout juste 1h – est d’abord le résultat d’une collaboration familiale et l’aboutissement d’un serment. Très proche de sa famille par le cœur, mais éloignée par la distance puisqu’elle est venue s’installer en France, Lorena Zilleruelo prend très au sérieux l’annonce de son cousin qui lui dit en entrant dans l’adolescence vouloir crier au monde entier sa transidentité. Alors, tous les étés, Lorena rentre au Chili et découvre l’évolution de David, sa transformation physique, marquée par la pratique intensive du sport et la prise d’hormones, psychologique aussi comme celle de n’importe quel adolescent de cet âge. Le masque de Spiderman, qui symbolise l’attirance dès l’enfance pour un costume masculin, rattache le jeune homme, devenu officiellement Bastián à ses 18 ans, à l’enfant qu’il a été et à la famille qui l’a vu grandir. Une famille aimante mais modeste, qui hélas n’a pas les moyens de payer l’opération dont Bastián rêve, mais qui fait preuve d’un soutien touchant, allant jusqu’à fonder un site web d’aide aux jeunes trans. Alors que beaucoup de reportages sur les transitions pointent les difficultés ressenties par la famille, la cinéaste a le bon goût de surtout mettre en avant le soutien et l’affection dont Bastián est entouré, à travers des séquences festives comme ses anniversaires mais aussi des moments tout simples, par exemple avec le père de la cinéaste qui est l’un des premiers à l’appeler par son prénom officiel. Le montage d’images prises sur le vif ou parfois à travers une webcam donne à l’ensemble un aspect extrêmement authentique et vivant qui contribue à émouvoir.

Désert privé

image extraite du film Désert Privé/Aly Muribita

Suspendu après avoir frappé un collègue, Daniel, flic quadragénaire en charge de son père dépendant, plaque tout pour traverser le pays à la recherche de Sara, qu’il a connue en ligne et dont il est tombé amoureux…

Étrange dans sa narration, le film d’Aly Muritiba paraît mettre une éternité à démarrer : le générique d’ouverture n’apparaît qu’au bout de 30 minutes, lorsque le protagoniste quitte son quotidien pour traverser le désert en voiture. S’il a pris le temps d’installer à l’écran le quotidien gris de Daniel à la capitale, fait de remords, de responsabilité et de solitude, le cinéaste nous fait encore languir le temps de la quête qui mène le flic, assez peu efficace en terme de recherche on doit l’avouer, jusqu’à Sara, la femme de ses rêves. Mais est-elle vraiment celle qu’elle prétend ? Comme souvent à Chéries-Chéris, le cinéma brésilien excelle à poser la question de l’identité réelle et choisie, et du poids de la famille et des attentes sociales qui freinent l’épanouissement individuel. Il est aussi rapidement question de l’impact de la religion comme communauté n’hésitant pas à pratiquer le chantage pour forcer ses membres à rester dans le rang des attentes normées. Le cinéaste veut mettre beaucoup de choses dans son film, à la fois en termes de thématiques mais aussi d’esthétique, passant d’une urbanité glacée à la chaleur du désert puis aux éclairages néon de la vie nocturne. Il faut le jeu intense de Pedro Fasanaro pour commencer à vraiment nous accrocher et donner corps à cette histoire.

Camila sortira ce soir

image de Camila sortira ce soir / I. M. Barrionuevo

Lorsqu’elle est contrainte de déménager à Buenos Aires avec sa mère et sa petite sœur, Camila se retrouve dans un lycée religieux où ses convictions féministes sont mal perçues. Elle se fait toutefois des ami(e)s et se rapproche de la jolie Clara…

Sous la caméra d’Inés María Barrionuevo, qui permet de passer avec fluidité d’un décor à un autre et de la vie de famille à la vie lycéenne, offrant un regard nuancé et tendre sur les personnages qui s’exprime par un joli travail de lumière, la jeune Nina Dziembrowski incarne une adolescente bien d’aujourd’hui dans un pays encore en proie à des scléroses confortées par le poids de la religion. Engoncées dans le sage uniforme, les jeunes filles auxquelles on martèle qu’il ne faut pas faire de politique dans l’établissement font l’apprentissage que tout est politique malgré tout, et que le refus exprimé n’est qu’une façon de maintenir un pouvoir réactionnaire et patriarcal sur leur corps et leurs fréquentations. C’est l’union des luttes (les féministes s’allient avec l’élève notoirement gay de l’établissement) et une acceptation de la fluidité du désir (c’est toujours rafraîchissant de voir un personnage exprimer à l’écran sa bisexualité de manière extrêmement facile, comme lorsque Camila dit à sa mère qu’elle aime « les garçons aussi » après avoir eu une relation avec une fille) qui permettent de fortifier les convictions face à une adversité qui n’hésite pas à recourir au chantage ou à la violence. On pense un peu à Las Niñas dans la quête émancipatrice des jeunes filles, qu’on recommande également pour comparer les problématiques de l’Espagne des années 90 et celles de l’Amérique latine d’aujourd’hui.

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