« Une comédie romantique », l’art de la fugue

César fait irruption dans la vie de ses proches après trois ans et demi sans donner de nouvelles. Il retrouve son frère, sur le point de devenir père, et son ex, Salomé, qui lui annonce qu’il est le père de sa fille de trois ans…

Il y a des gens qui viennent à faire des films pour une histoire personnelle qui leur tient à cœur (Maria Rêve), l’adaptation d’une œuvre qu’ils ont adoré (Le Sixième Enfant), l’envie de mettre en lumière la région où ils ont grandi (La Passagère)… et parfois, c’est une conjonction de facteurs dans laquelle les rencontres tiennent une grande place. C’est le cas pour Thibault Segouin, qui a longtemps travaillé dans l’ombre aux côtés d’Alex Lutz sur ses tournées, puis a co-écrit Guy avec lui, avant de le projeter dans le rôle d’un chanteur de rue de Montmartre.

Avec un titre aussi générique et programmatique qu’« Une comédie romantique », le projet était risqué. D’abord parce que les références du nouveau cinéaste sont essentiellement du côté des classiques anglo-saxons du genre, qui ont pu séduire toute une génération à leur époque mais apparaissent aujourd’hui comme largement problématiques dans leur représentation des relations entre hommes et femmes. De fait, on ne peut pas dire que César soit le partenaire idéal : il ment en permanence, à tout le monde, est égocentré comme on peut l’attendre d’un artiste, panier percé, pas fiable, et sa peur panique de l’engagement le pousse à disparaître brutalement de la vie de ceux et celles qu’il aime. On peut donc à juste titre se demander s’il est souhaitable pour le personnage incarné par Golshifteh Farahani d’accepter de le revoir. Car comme souvent, c’est surtout dans les débuts de la relation que les problèmes se posent.

Cela dit, le fait d’avoir doté le personnage féminin d’une personnalité suffisamment marquée pour qu’elle ne se résume pas à une énième Manic Pixie Dream Girl, ce qui transparaît dès sa première scène et continuera à se déployer peu à peu jusqu’à son monologue final, est un bon point pour le scénario. En revanche, on peut regretter que le couple formé par le frère (Olivier Chantreau) et sa compagne (Lucie Debay, qu’on est bien content de retrouver après le formidable Une vie démente) reste campé sur un schéma très classique dans lequel l’homme a peur de ne pas assumer et ne sait pas comment s’occuper de son bébé alors que la femme passe son temps à lui réclamer de rester à la maison et de prendre sa part du soin de l’enfant.

On sent qu’il y avait matière à creuser du côté de la relation entre les frères et également avec leur père (petite apparition de Tchéky Karyo) mais le sujet reste survolé, le focus restant placé sur le personnage d’Alex Lutz. Celui-ci se bonifie d’ailleurs en tant qu’acteur avec le temps, réussissant peu à peu à sortir de l’effet de masque de Guy pour arriver à proposer des prestations simplifiées allant davantage à l’essentiel. Crédible à la fois dans les défauts et dans un côté relativement attendrissant du personnage, qui porte sa défaite face aux normes sociales avec une certaine classe, et rappelle par sa profession de chanteur de rue et en particulier dans la scène devant la gare l’Amalric de Tralala (en moins gênant).

Au-delà du duo principal, piquant dans ses répliques et charmant dans son air de jouer au papa et à la maman autour de la petite Louise, le grand plaisir du film réside dans la balade au cœur de Montmartre. Quelle bonne idée que ce métier original attribué à Salomé, qui donne lieu à des plans d’un Paris de carte postale. La butte du 18e n’avait pas été aussi bien mise en valeur au cinéma depuis Amélie Poulain, et l’intrigue en deviendrait presque accessoire, tant le plaisir de flâner dans les ruelles, découvrir les commerces pittoresques et admirer les tenues hautes en couleur procure en lui-même une satisfaction esthétique d’un boboïsme assumé.

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