Après le suicide de sa mère, Sasha établit une liste de survie pour ne surtout pas lui ressembler. Son objectif ultime est de devenir humoriste pour chasser la tristesse et redonner le sourire à son père…
Ne vous fiez pas aux apparences. En dépit de son titre évocateur d’une tonalité humoristiques, de son résumé mentionnant le désir de Sasha de devenir humoriste et de son affiche pétillante et colorée montrant la protagoniste prenant un selfie, le film de la Suédoise Sanna Lenken, adapté d’un roman jeunesse de sa compatriote Jenny Jägerfeld est avant tout un film de deuil.
La petite Sasha, qui fête ses 13 ans pendant le récit, nous est présentée au moment de son premier rendez-vous chez la psychologue, quelques mois après le décès de sa mère, dont on comprend peu à peu qu’elle était dépressive de longue date et s’est suicidée. Désormais seule avec son père, régulièrement submergé par son chagrin, Sasha a décidé qu’elle ne se laisserait pas abattre et qu’elle ne deviendrait pas une personne triste à son tour. Si elle souhaite se lancer sur les planches et écrire des sketchs, c’est moins par un désir professionnel construit que pour un objectif plus immédiat, celui de voir rire son père, ce qui n’est pas arrivé depuis le décès de sa mère.
Entièrement narré à hauteur d’enfant, avec la voix off de la jeune Sigrid Johnson, qui porte sur ses frêles épaules un film à la tonalité toujours dans la nuance et la demi-teinte, le long-métrage ne nie jamais la brutalité de son événement fondateur. Dans chaque scène du film plane le statut de Sasha aux yeux des autres, l’absence qui prend toute la place dans la maison, voire le fantôme de sa mère à laquelle elle s’adresse régulièrement et qui apparaît à l’écran, souvent dans une version souriante améliorée par rapport aux réels souvenirs de Sasha, évoqués plus tardivement dans le long-métrage quand elle commence à accepter de se confronter à la réalité.
Heureusement, pour traiter cette thématique douloureuse, la cinéaste a eu la bonne idée d’opérer un contraste visuel fort, en choisissant non pas l’obscurité mais la lumière. Les plans en extérieur s’appuient sur un éclairage naturel, mais les plans en intérieur et particulièrement dans la maison de Sasha sont régulièrement surexposés, créant un contraste entre le noir chagrin et l’extrême lumière qui vient comme éblouir la jeune fille, symbolisant la technique pour retenir ses larmes. Les couleurs choisies sont également plutôt vives et claires, avec une place particulière pour le rose qui semble être la teinte préférée de Sasha et vient illuminer aussi bien sa tenue de scène que ses cheveux lors de sa journée d’anniversaire. Tout l’équilibre consiste à jongler entre le caractère naturellement pétillant et affectueux de l’adolescente et les violentes émotions avec lesquelles elle se débat, qui peuvent entraîner des moments de colère ou de rébellion. Décrit avec justesse, le travail de deuil dans son inscription durable ne paraît pas trouver de solution miracle : il ne s’agit pas de tourner la page et de trouver une rédemption mais de trouver une façon de continuer à vivre avec et d’exprimer les sentiments contradictoires sans brusquer les autres ni se faire du mal à soi-même.
Par ailleurs, le film n’omet pas des question plus générales liées à l’âge de sa protagoniste, comme les aléas des amitiés et inimitiés scolaires, le rapport avec la génération des parents qui peut parfois sembler un gouffre impossible à combler, le désir de nouveaux modèles et de nouvelles amitiés pour grandir, le rapport entre individualité et besoin de conformisme.
S’il est beaucoup plus triste et mélancolique qu’il n’en avait l’air, Comedy Queen n’en reste par mois très charmant grâce à l’abattage de l’actrice principale mais aussi à la bienveillance globale qui s’en dégage, en particulier avec un cercle de rôles secondaires bien trouvés. Touchant sans trop en faire, avec des pointes de légèreté et de comédie bien placées, ce teen movie nordique a de quoi réchauffer les cœurs et occasionner un moment de rapprochement familial.
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