« Trois nuits par semaine », Baptiste au pays des merveilles

Venu aider sa compagne Samia au centre de dépistage, Baptiste, jeune photographe, est fasciné par la présence de deux drag queens. Il propose à Cookie un projet artistique autour des coulisses de son spectacle…

On avait déjà eu l’occasion de repérer Florent Gouëlou, en particulier grâce a son court-métrage Beauty Boys présenté en 2021 au festival Chéries-Chéris. Le jeune réalisateur prête à son protagoniste l’influence artistique qu’a eu sur sa propre carrière la rencontre avec Cookie Kunty : s’immisçant dans son court-métrage de fin d’études à la Femis, l’univers du drag devient le centre de la plupart de ses œuvres, et lui-même finit par se lancer en tant que performeuse (son alter ego a d’ailleurs un petit cameo dans le film).

Et on peut dire que son premier long-métrage arrive à point après le succès de l’édition française de Drag Race, qui a contribué à faire largement connaître la culture drag au grand public. Le film partage ce même objectif didactique, intelligemment combiné avec l’idée de projet photographique du protagoniste : en choisissant de documenter les coulisses des shows, Baptiste est notre propre porte d’entrée dans un univers à la fois grandiose et magique sur scène mais aussi contraignant et précaire dans l’ombre.

Et quoi de mieux pour nous attacher aux personnages et nous donner envie de mieux les connaître que de nous faire éprouver la curiosité du protagoniste brillamment interprété par Pablo Pauly ? Un intérêt d’abord artistique et esthétique rapidement nourri par une attirance sexuelle pour la Queen. Mais Cookie n’est pas seule, elle vit déjà au quotidien avec un homme : Quentin, celui qui lui prête son corps sous les artifices liés à la scène. Et pour le photographe hétéro, en couple de longue date avec une femme, la plongée dans l’univers du drag est aussi une façon de passer de l’autre côté du miroir. La référence discrète à Lewis Carroll s’incarne dans la soirée où Cookie entraîne Baptiste à son bras, dans les sous-sols d’un Paris nocturne filmé dans ce qu’il a de glamour et d’excitant, où l’atmosphère et l’alcool aidant, le jeune homme se métamorphose dans une danse endiablée jusqu’au plan sur le plafond miroir. Esthétiquement, le film est extrêmement plaisant à la fois dans sa façon de suivre les personnages au plus près, de créer la sensualité par l’usage des gros plans, en particulier sur les mains (la scène des gants), mais aussi dans son usage d’une multitude de décors qui même hors de la scène ont quelque chose de stylisé et presque théâtral (l’arrivée dans la maison d’enfance au milieu de rideaux de verdure). Pour autant, même si le show occupe une grande place, avec beaucoup de numéro occasionnant du play-back, de la danse, du stand up, le réalisateur et sa co-scénariste Raphaëlle Valbrune ont su trouver un équilibre avec des aspects plus complexes et douloureux de la vie des personnages : la précarité économique, la stigmatisation voire la violence auxquelles les Queens sont confrontées, les souffrances physiques occasionnées par les performances, la difficulté à faire une place à quelqu’un dans une vie déjà divisée en deux.

Si les atermoiements sentimentaux des personnages finissent par traîner un peu en longueur, la première partie autour de la découverte est suffisamment spectaculaire et intense pour mériter le détour, et la fin réserve quelques jolis moments, par exemple la déclaration en musique de Hafsia Herzi. En tout cas Florent Gouëlou a le mérite de chercher à rendre un hommage sincère et authentique au milieu des drags, évitant globalement tout cliché et toute stigmatisation à leur égard, et j’ai réussissant à mettre en avant une profession jusqu’ici inédite comme sujet central dans le cinéma français.

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