Depuis 2016, on les a vus apparaître sur les murs : des collages de feuilles A4 portant des slogans à la peinture noire, qui évoquent le sexisme et les féminicides…
Pendant le premier confinement, Marie Perennès et Simon Depardon ont eux aussi vu apparaître en bas de chez eux de ces collages de groupes féministes qui décident d’afficher dans la rue aux yeux de tous et toutes, y compris les personnes qui ne souhaiteraient pas le voir ni le savoir, l’omniprésence du sexisme et des violences envers les femmes et minorités.
Mais pour le duo, l’apparition de ce collage déclenche une curiosité et une envie de rencontre. Après avoir lié connaissance avec un groupe de colleur·euses parisien(ne)s, naît le projet d’un documentaire qui permettrait de découvrir l’ampleur du mouvement à travers la France. En choisissant d’aller poser leurs caméras aussi bien dans des grandes villes que dans des villes de province plus petites, Marie Perennès et Simon Depardon, dans un certain hommage à son père (Les Habitants…), veulent montrer que le féminisme n’est pas que l’affaire d’une élite parisienne ou de certains milieux. Les profils des militantes rencontrées sont relativement variés en termes d’origine sociale, même si la plupart ont en commun une certaine jeunesse. C’est une génération qui a pris conscience de problèmes perdurant depuis longtemps et qui refusent de subir encore, certaines ayant subi directement des violences dont les récits constituent les moments les plus bouleversants du film. Pour autant, si le fait d’afficher des slogans sur les murs rassemble les différentes personnes interrogées, on peut constater beaucoup de débats et certaines divergences sur les moyens à adopter pour lutter contre le sexisme et le patriarcat. Cela fait partie des aspects les plus intéressants du long-métrage : entendre la pluralité des points de vue et montrer qu’on peut échanger et avoir des désaccords tout en restant dans le calme, l’écoute et la bienveillance envers l’autre. Une des questions qui revient à plusieurs reprises dans différents lieux et groupes, c’est celle de la violence. La violence est clairement identifiée du côté du patriarcat et du masculinisme, et son emblème le plus tragique est bien le féminicide, sujet qui clôt le long-métrage avec une marche blanche dédiée à deux victimes en 2021. Pour autant, les féministes peuvent-elles et doivent-elles tenter de récupérer cette violence ? Peut-on combattre le mal par le mal ou y a-t-il d’autres armes possibles ?
Outre ce débat passionnant, filmé avec une caméra discrète qui réussirait presque à nous donner l’impression d’être présent(e) au milieu des groupes, le long-métrage suit les activités de collage nocturne. S’il y a plusieurs méthodes pour fabriquer de la colle, choisir un bon mur, s’organiser pour poser rapidement son collage, on ressent un même sentiment qui traverse les groupes à travers la France : celui d’une satisfaction à se réapproprier l’espace public nocturne. Pour traduire ce sentiment de puissance du groupe, plusieurs fois évoqué dans les récits de rencontres avec des habitant(e)s plus ou moins bienveillant(e)s, Simon Depardon et Marie Perennès ont opté pour des caméras posées, qui change de beaucoup de documentaires urbains qui ont tendance à adopter une caméra épaule très mouvante. Ici, l’objectif était surtout de ne pas introduire un sentiment d’urgence, qui aurait pu céder à la peur, sentiment trop coutumier des femmes dans l’espace public la nuit. Il peut y avoir de l’adrénaline lors des collages, certes, mais il y a surtout la joie et la certitude d’être ensemble et de faire quelque chose d’important et c’est ce qui traverse ces images. Il émane une sororité contagieuse des personnes interrogées dans le film, qui se diffuse lors des scènes de manifestations mais aussi dans la conversation d’un des groupes avec Laurence Rossignol, la vice-présidente du Sénat, qui s’interroge sur le manque de politique publique du gouvernement contre les féminicides alors que le terme sécurité est très souvent employé.
Non seulement ce documentaire à quelque chose d’important par le choix de son titre très marquant, parce que le mot féministe est rarement présent dans un titre de film et parce que riposte indique bien qu’il ne s’agit que de se défendre de l’agression perpétuelle du patriarcat, et que les féministes en elles-mêmes ne sont pas des personnes souhaitant la violence au premier chef, mais aussi parce que, porté par l’héritage de Raymond Depardon et Claudine Nougaret (qui produit le film), le binôme à la réalisation attache beaucoup de soin à la beauté du film d’un point de vue formel : le cadrage des personnes en train de témoigner, les plans sur les villes au coucher ou au lever du soleil, l’immersion dans les rassemblements, tout est fait avec beaucoup d’élégance, ce qui renforce l’impression d’importance des propos et de maturité de la réflexion.
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